mercredi 8 juin 2011

Les Tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale, 1939-1946 www.memoires-tsiganes1939-1946.f

par Marie-Christine HUBERT

En France, les persécutions contre les Tsiganes ont commencé bien avant l'Occupation allemande.
Dès les mois de septembre et octobre 1939, la circulation des nomades(1) est interdite dans plusieurs départements. En Indre-et-Loire, les nomades sont même expulsés. Le 6 avril 1940, un décret-loi interdit la circulation des nomades sur l'ensemble du territoire métropolitain pendant toute la durée de la guerre. Comme pendant la première guerre mondiale, ils sont soupçonnés d'espionnage.
Le ministère de l'Intérieur charge les préfets de les assigner à résidence en dehors des agglomérations mais à proximité d'une brigade de gendarmerie. L'invasion allemande ne permet pas l'application du décret dans tous les départements.

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Fresque trouvée au camp de Coudrecieux (photo Raphaël Pillosio)
Les Tsiganes d'Alsace-Lorraine sont les premières victimes de l'Occupant qui les expulsent, dès juillet 1940, vers la zone libre où ils sont progressivement internés dans les camps d'Argelès-sur-Mer, Barcarès et Rivesaltes avant d'être transférés en novembre 1942 dans le camp de Saliers (Bouches-du-Rhône) spécialement créé par le gouvernement de Vichy pour l'internement des Tsiganes. En zone occupée, une ordonnance allemande du 4 octobre 1940 exige leur internement dans des camps administrés et surveillés par les autorités françaises. Dans chaque département, les préfets demandent à la gendarmerie de recenser puis de regrouper les nomades et de les surveiller.
La plupart des familles qui sont alors internées ont été assignées à résidence en avril 1940.
Dans un premier temps, les Tsiganes sont regroupés dans des lieux très hétéroclites : un château désaffecté, une carrière ou un ancien cinéma.
L'ordonnance allemande du 22 novembre 1940 interdisant l'exercice des professions ambulantes dans 21 départements de l'Ouest de la France permet l'arrestation de nouveaux nomades et forains que les Allemands assimilent aux Tsiganes contrairement aux autorités françaises.
Les Tsiganes circulant en Charente et Charente-Inférieure sont internés dans le camp des Alliers à Angoulême. Le 27 novembre, 201 nomades refoulés de la Seine-Inférieure se trouvent détenus à Linas-Montlhéry dans la Seine-et-Oise. Devant l'afflux des internés, les petits camps installés dans l'urgence et la précarité en octobre sont remplacés par des camps plus structurés. A la fin du mois de décembre 1940, environ 1700 nomades et forains étaient internés dans 10 camps.
Dans l'Est de la France, les Tsiganes subissent l'internement à partir du mois d'avril 1941.
A l'automne 1941, environ 3 200 personnes étaient internées dans 15 camps. Les plus importants se situent à Jargeau (Loiret), Poitiers (Vienne), Moisdon-la-Rivière (Loire-Atlantique) et Coudrecieux (Sarthe).
En novembre 1941, les Allemands décident de réorganiser l'ensemble des camps d'internement pour nomades - appellation officielle -, afin de réduire les frais de fonctionnement et pallier le manque de personnel de surveillance. Les internés sont transférés dans des camps à vocation régionale.
De nombreux forains obtiennent à cette occasion leur libération. Des familles sont libérées tout en étant assignées à résidence tandis que d'autres connaissent à nouveau la détention dans de nouveaux camps. Des Tsiganes ont ainsi connu 4 ou 5 camps d'internement. L'internement comme la libération dépendaient du bon vouloir des autorités françaises et allemandes. Il n'y avait pas de politique globale mais des décisions discrétionnaires.
Le plus grand camp d'internement pour nomades, le camp de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire) entre en service le 8 novembre 1941. Ses internés proviennent de quatre camps. L'effectif le plus élevé est atteint le 18 août 1942 avec 1 018 internés.
Les derniers Tsiganes ne furent libérés du camp des Alliers qu'à la fin du mois de mai 1946 lorsque le décret de cessation des hostilités abrogea le décret d'assignation à résidence auquel les autorités issues de la Libération se sont référées pour cautionner l'internement des nomades.
Environ 6 500 hommes, femmes et enfants ont été internés entre 1940 et 1946 dans 30 camps d'internement français en raison de leur appartenance réelle ou supposée au peuple tsigane.
Les familles ont vécu ces 6 années dans la plus grande précarité matérielle et morale.
Leur sort ne suscita que de l'indifférence tant de la part de la population française que des œuvres caritatives pourtant très présentes dans les camps d'internement. On ne reconnut aux Tsiganes que le droit d'être internés en famille, les hommes étant rarement séparés de leurs femmes et leurs enfants.

Cette sédentarisation forcée servit aux autorités françaises qui tentèrent de socialiser les Tsiganes.
Les adultes furent obligés de travailler pour des entreprises françaises mais aussi allemandes dans le cadre de l'organisation Todt ou le Service du Travail Obligatoire. On scolarisa les enfants, souvent dans l'enceinte même du camp. L'accent fut également mis sur leur éducation religieuse. Dans les cas les plus extrêmes, les enfants furent séparés de leurs parents et placés à l'Assistance Publique ou dans des institutions religieuses pour les extraire définitivement d'un milieu jugé pernicieux.
Lorsqu'ils étaient libérés, les Tsiganes se trouvaient en but au mieux à l'indifférence au pire à l'hostilité des populations. Ils regagnaient seuls et à pied le lieu où ils avaient été arrêtés en espérant retrouver leur roulotte et le peu de biens qu'ils possédaient. La plupart n'ont rien récupéré et durent recommencer leur vie à zéro. Nombre d'entre eux n'ont eu d'autre choix que de se sédentariser.
Bien que les Tsiganes de France aient échappé à l'Auschwitz Erlass du 16 décembre 1942 qui ordonnait la déportation à Auschwitz des Tsiganes du Grand Reich, un certain nombre connut les camps de concentration et d'extermination nazis. Des hommes furent déportés en Allemagne comme en 1943 depuis le camp de Poitiers après avoir été livrés aux Allemands par les autorités françaises qui pensaient ainsi remplir les quotas de travailleurs qu'exigeaient les autorités d'occupation dans le cadre du Service du Travail Obligatoire. Des familles furent raflées par les Allemands comme celles qui vivaient dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais.
Après la guerre, rares furent les Tsiganes qui ont obtenu une carte d'interné ou de déporté politique, les démarches administratives étant insurmontables pour des gens illettrés et plus méfiants que jamais envers l'Administration française. Ils n'ont ainsi reçu aucune indemnisation pour les années passées dans les camps français, ni même de compensation morale puisque cette réalité n'a laissé aucune trace dans la mémoire collective. Ce n'est que depuis quelques années que des historiens et des militants associatifs ont exhumé ces événements tragiques, et que des plaques commémoratives rappellent que des camps d'internement pour nomades ont existé en France.

(1) Le nomadisme des Tsiganes a toujours été combattu par les autorités françaises qui l'ont identifié comme le principal obstacle à leur intégration dans la société française. La loi du 16 juillet 1912 sur l'exercice des professions ambulantes et la circulation des nomades a permis d'identifier et de surveiller les Tsiganes non sédentaires en les dotant d'une pièce d'identité spéciale, le carnet anthropométrique. Toutes les mesures anti-tsiganes qui ont été prises en France tant par les autorités françaises que par les autorités allemandes définissaient les Tsiganes comme les porteurs du carnet anthropométrique. Les Tsiganes sédentarisés et par conséquent non identifiés comme tels n'ont pas été inquiétés. 



Lire l'étude de Jacques Sigot sur les camps, extraite de la Revue Etudes Tsiganes vol. 6, n°2/1995
Voir la chronologie camp par camp, par Marie-Christine Hubert


Cet article est une version courte de l’article
original paru dans la revue ETUDES TSIGANES n°2/1995, vol 6
Les Camps
Jacques Sigot
Cet article se propose d'étudier les différents camps dans lesquels sont internés des Tsiganes pendant la
Seconde Guerre mondiale et pendant les deux années qui suivent la libération du territoire national.
Dans un premier temps, sont cités les camps que j'ai étudiés personnellement : ceux de Grez-en-Bouère,
Montsûrs, Avrillé-les-Ponceaux, Moisdon-la-Rivière, Châteaubriant, Boussais, Coudrecieux, Mulsanne,
Montreuil-Bellay, Jargeau, et d'autres qui ont fait le sujet d'ouvrages ou d'études importants, les auteurs
étant cités en bibliographie : les camps de Barenton, Rennes, Poitiers, Jargeau de nouveau, et Arles. Ils sont
classés dans un ordre qui peut paraître aléatoire, mais qui, en réalité, obéit le plus souvent à l'itinéraire de
certains internés.
Dans un second temps, sont cités dans l'ordre alphabétique des communes où d’autres camps ont sévi,
camps sur lesquels je ne donne que quelques renseignements.
Sans doute en a-t-il existé d'autres tant ils furent nombreux et variés, surtout au début, jusqu'à ce que fut
prise la décision de fermer les petites unités "dont le grand nombre multiplie les besoins en personnel et en
matériel", commente le préfet du Maine-et-Loire le 11 novembre 1941, et de créer de grands camps qui se
substitueraient à ces derniers.
Grez-en-Bouère
(Mayenne)
Le camp de la Mauditière
Ce n'est qu'une carrière abandonnée à proximité de fours à chaux, mais sans doute l'administration penset-
elle que c'est l'endroit idéal, facile à surveiller puisque entouré de hautes murailles infranchissables. Aucun
bâtiment n'est construit pour loger les internés. Un rapport de l'inspecteur départemental d'hygiène, daté du
6 novembre, décrit le site :
"Cette carrière de la Mauditière, à un kilomètre environ de Grez, est séparée en deux parties réunies entre
elles par un tunnel de 12 mètres de long.
- l'une au nord, envahie par l'eau.
- l'autre, en contre-bas, renferme un étang.
Il existe bien une bande de terrain pour mettre les caravanes mais, trop étroite, elle est dangereuse. De
plus, il ne faut pas y installer les nomades qui pollueraient l'eau qu'utilisent les habitants de deux fermes
voisines comme eau potable. Il serait préférable de les installer sur un plateau au sud de la carrière."
La carrière de la Mauditière à Grez-en-Bouère où furent extraites
des pierres pour alimenter des fours à chaux. (Cliché J. Sigot)
Le 26 octobre 1940, la préfecture prévient le maire de Grez que sa commune est choisie pour y rassembler
les nomades du département. Les deux premiers arrivent le 28. Le 11 novembre, un rapport de
gendarmerie signale que "presque tous les nomades ont des roulottes. Toutefois, il en est qui ne possèdent
aucun abri. Ainsi, huit personnes sont logées provisoirement dans des granges situées à proximité." Le 16,
le maire signale à la préfecture que les hommes destinés à la surveillance sont sur place : des chômeurs mis
à la disposition d'un ex-gendarme en retraite, envoyés sans doute à la suite d'une lettre désespérée de
l'édile datée du 13 :
"Les nomades sont, en ce moment, sans moyens d'existence, n'ayant pas d'argent pour se procurer des
vivres et du chauffage. Jusqu'à hier soir, personne pour garder ces indésirables qui démolissent ce qu'ils
trouvent, pour se chauffer surtout. La gendarmerie n'a reçu aucun ordre pour les consignes à donner aux
gardes. Comment les garder la nuit ? Sinon, ils partiront en maraudeurs. Il faut quelqu'un pour s'en
occuper spécialement."
Le 21, le maire se plaint de nouveau amèrement de la situation auprès du préfet :
"J'ai l'honneur de vous signaler à nouveau le dénuement des nomades. Certains d'entre eux n'ont pas de
roulotte pour coucher, pas d'argent pour manger, c'est lamentable. Malgré leur déficience sociale, ce sont
tout de même des êtres humains."
Le maire de Grez-en-Bouère prévient en même temps que si rien n'est fait, il s'adressera directement aux
troupes d'occupation qu'il croit responsables de cette situation. Le préfet ne l'entend pas de cette oreille,
c'est une affaire à régler entre Français. Aussi répond-il le lendemain même :
"[…] J’ajoute cependant que vous devez vous abstenir de vous adresser à la Feldkommandantur. Il est
préférable, en effet, que les difficultés éprouvées par le Maire et le Préfet, comme conséquences d’une
pénible occupation, ne soient pas soumises à l’arbitrage d’ailleurs inopérant des occupants. Une autre
attitude serait contraire à la dignité française, ainsi qu’aux instructions du gouvernement et à celles que j’ai
moi-même données aux Maires du département."
Le camp de Grez-en-Bouère est supprimé au cours de la semaine qui suit, et les internés sont transférés
dans celui de Montsûrs, à une trentaine de kilomètres au nord.
Montsûrs (Mayenne)
Le camp de la Chauvinerie
Comme c'est souvent le cas pour les autres camps, celui de Montsûrs est d'abord établi pour héberger des
réfugiés. Il est situé dans une prairie, à flanc de coteau au bord de la route de Mayenne, et longe la ligne
de chemin de fer Paris-Brest.
Le camp de Montsûrs était implanté au-delà de ligne ferroviaire
Paris/Brest. Un lotissement l’a aujourd’hui remplacé. (Cliché J. Sigot)
Reprenons ici la description qu'en font des témoignages
et différents rapports conservés par les Archives
départementales de la Mayenne.
Le camp est composé de deux rangées de baraquements parallèles, rangées séparées par une cour.
Chaque baraquement est coupé en deux par une cloison médiane, ce qui donne quatre séries de pièces
formant chacune un logement individuel de la grandeur d'une chambre. Ils sont au nombre de 40
comprenant chacun quatre lits. Le plancher est en planches de chêne, les cloisons en double épaisseur. La
porte est en un seul panneau ouvrant vers l'intérieur. Au-dessus, le trou laissant passer le tuyau du poêle est
découpé dans une plaque de tôle.
Il y a six waters dans un angle du camp, tous dans le prolongement l'un de l'autre. Le site est clos d'un
grillage placé sur des pieux de 1,30 m de hauteur, espacés de 2,50 m. Ces pieux sont prolongés, à leur
partie supérieure, par un fer recourbé vers l'intérieur de l'enceinte et portent des fils de fer barbelés, de
sorte que le plus élevé se trouve à 1,45 m du sol.
L'humidité transforme le camp en un véritable cloaque.
Chaque baraquement a été construit en fibrociment, rapporte une notice sur ce camp, mais l'état de cette
installation est devenu lamentable depuis qu'il est habité par des nomades : la boue, la vermine ont rendu
certains locaux repoussants ; il ne reste à peu près rien de la literie primitive mise à la disposition des
réfugiés, et le remplacement, par des cartons, de nombreux carreaux brisés a plongé plusieurs cases dans
une profonde obscurité.
Sous surveillance, certains internés vont s'approvisionner en ville, et les habitants de la commune se
plaignent de leur présence et de leur intempérance.
Le 19 février 1941, 55 nomades sont encadrés par 7 gardes qui ont en tout 3 pistolets et 20 cartouches. Il
n'en reste plus que 23 lorsqu'ils sont transférés dans le camp de Montreuil-Bellay le 4 avril 1942.
Avrillé-les-Ponceaux (Indre-et-Loire)
Le camp de la Morellerie
A mi-distance des bourgs d'Avrillé-les-Ponceaux et de Continvoir, solitaire au centre d'un ancien essart, se
dresse l’ancienne demeure seigneuriale de la Morellerie. Tout ici respire aujourd'hui le calme et la beauté,
comme en dehors du monde moderne. Le 2 octobre 1939, la gentilhommière inhabitée est réquisitionnée
en vue de son occupation par un groupement nord-africain. L'invasion allemande de juin 40 fait fuir les
militaires. Le 30 novembre, est officiellement créé dans l'enceinte de la propriété le camp pour nomades de
la Morellerie.
Composé de quatre grands baraquements et de deux plus petits, le camp comprend une école, une
infirmerie, des cuisines et une buanderie en annexe. Les baraquements sont couverts en carton bitumé, "très
rudimentaires, bas de plafond et aux planches non bouvetées", précise un rapport du préfet d'Indre-et-
Loire. Chacun « n'offre » qu'une grande pièce commune avec des lits en bois alignés le long des parois
latérales, lits garnis de paille. L'univers carcéral est renforcé, autour des baraques, par une double ligne de
pieux de trois mètres sur lesquels sont tendues huit rangées de fils de fer barbelés, avec des chevaux de
frise dans l'intervalle, l'effectif maximum est atteint le 16 octobre 1941, avec 273 internés : 91 hommes et
77 femmes au-dessus de 13 ans, et 105 enfants. Le 7 janvier précédent, un gradé et 11 gendarmes
assuraient la surveillance, leur "arsenal" se limitant à 2 pistolets de 7m/m et 18 cartouches. "Ce qui est
notoirement insuffisant si l'on tient compte de ce que ces individus sont pour la plupart de dangereux repris
de justice. Déjà des mouvements de rébellion se sont produits", s'inquiète un rapport du chef d'escadron au
préfet qui prend note puisque le 16 octobre sont présents : un chef, un chef-adjoint et 21 gendarmes.
L'emploi des armes n'est permis de jour qu'en cas de légitime défense, mais la nuit, il peut être tiré sans
avertissement sur tout individu qui tente de s'enfuir en franchissant la clôture du camp.
Le 8 novembre 1941, les 238 nomades restant à la Morellerie sont transférés dans le camp de Montreuil-
Bellay.
Le camp de la Morellerie était implanté sur les terres d’une
seigneurie inhabitée, dans un essart éloigné du bourg
d’Avrillé-les-Ponceaux. (Archives J. Sigot)
Barenton (Manche)
La Cité de la Mine de Barenton
Le 11 avril 1940, le camp est installé dans une ancienne mine de fer, à 7 km au nord-ouest du bourg, sur
les instructions du préfet de la Manche. Ce camp existait précédemment à Gavray où les nomades, et une
certaine catégorie de forains, devaient être placés en résidence forcée.
Présence de deux bâtiments en brique :
- un pour le personnel de surveillance
- un pour les internés, compartimenté en 16 pièces logeables.
Les ménages disposent de 2 pièces, l'une au rez-de-chaussée, l'autre à l'étage. Ni électricité, ni eau. L’eau
potable est recueillie à 900 m du camp.
Une ceinture de barbelés est rapidement établie. 5 gendarmes assurent la surveillance. Capacité
maximum : 40 internés. Ils sont 36 le 17 janvier 1942 ; 36 encore le 21 juillet : 12 hommes, 6 femmes et
18 enfants.
Les Archives nationales (72.AJ.284) évoquent ce camp de Barenton. Le document n'est pas daté :
"Une cinquantaine d'internés, de nationalités diverses. Portent des vêtements civils. Ne sont pas maltraités.
Vont travailler librement chez des agriculteurs et sont rémunérés. Ne peuvent pas sortir le dimanche. N'ont
pas d'ausweiss".
Le 6 août 1942, une demande est effectuée pour transférer les 36 nomades (12 hommes, 6 femmes, 18
enfants) du camp de Barenton dans celui de Montreuil-Bellay. Ce dernier refuse. Nouvelle demande en
octobre, cette fois acceptée. Télégramme du préfet de la Manche à celui du Maine-et-Loire, daté du 5
octobre :
"35 nomades Barenton partiront 8 courant 10 h 49. Arriveront Montreuil-Bellay 9 à 22 h 05. Stop. Prévoir
transport pour 18 enfants et 4 vieillards."
Ils entrent dans le camp de Montreuil le 9 octobre, à 17 h.
Une note précise que le camp de Barenton étant installé dans des conditions très précaires, il n'y a aucun
matériel susceptible d'être utilisé ailleurs.
Le site de l’ancien camp de Barenton où vient d’être inaugurée
une stèle, le 11 octobre 2008. (Cliché Valérie Nicolas)
Moisdon-la-Rivière (Loire-Atlantique, alors Loire-Inférieure)
Le camp de la Forge
Le camp de Moisdon-la-Rivière, réputé pouvoir "accueillir" 320 internés, est situé à 15 km au sud de
Châteaubriant, dans une cuvette, à l'emplacement de l'usine désaffectée d'une société d'ardoisières. Il est
bordé :
- au nord : par un chemin d'intérêt commun,
- à l'est : par la rivière "le Don",
- au sud : par un amoncellement de scories,
- à l'ouest : par des bâtiments.
Un entourage en grillage (fil de fer barbelés) a été installé pour le clore parfaitement. L'intérieur de
l'enceinte comporte : une vaste cour en sol dur recouverte de scories, et des bâtiments en très mauvais état.
L’immeuble principal est inhabitable en raison de l'humidité extrême ; des baraques ont été construites afin
d'abriter les nomades. Toutefois, quelques maisons ouvrières, sales, peu aérées, abritent des familles
entières. Le peloton de Gendarmerie et le personnel chargé de la surveillance et de l'administration du
camp occupent, dans des conditions satisfaisantes, un manoir abandonné dominant l'étang de la Forge, à
environ 150 m au sud-sud-ouest.
L’administration réquisitionne le site en octobre 1940 :
REPUBLIQUE FRANÇAISE
Le Sous-Préfet de Châteaubriant Au nom du Peuple Français,
Vu la loi du 3 juillet 1877, et la loi du 11 juillet 1938,
Requiert Monsieur Tardiveau, Notaire à Châteaubriant, agissant comme fondé de pouvoirs du propriétaire
ou des locataires éventuels, d'avoir à mettre à sa disposition, le domaine de la Forge sis à Moisdon-la-
Rivière, à l'exception de la Charpenterie et des bâtiments agricoles. Le montant de la prestation dûment
évalué sera remboursé.
Châteaubriant, le 25 octobre 1940 Le Sous-Préfet
Un groupe important de nomades vient d'un petit camp provisoire installé à Toulboubou, à Pontivy. Une
lettre du régisseur du camp de La Forge, datée du 25 novembre 1940, évoque la scène :
"Hier, dimanche 24 novembre 1940, sont arrivés à Issé 116 nomades par train spécial, à 15 h, dirigés par
les soins de la gendarmerie de Pontivy sur le camp de Moisdon, au lieu dit "La Forge", point de destination.
Arrivés en gare de Châteaubriant dans la nuit du 23 au 24, le lieutenant de Châteaubriant, après avoir
sollicité le concours des autorités allemandes en vue d'obtenir les moyens de transport nécessaires pour
effectuer par route les 14 km qui séparent Châteaubriant du camp, s'est vu dans l'obligation de faire
diriger le convoi sur Issé, le concours escompté ayant fait défaut.
Parti de Châteaubriant à 13 h, le train est arrivé en gare d'Issé à 15 heures. L'adjudant-chef du peloton de
gendarmerie (soit 21 hommes) chargé de la garde du camp, et moi-même sommes allés recevoir ces
nomades.
La décision fut prise de débarquer immédiatement les 16 voitures des plates-formes, en vue de les faire
acheminer par route à Moisdon (9 km). Les voitures ne pouvant, par leur propre moyen, être mises en
marche, j'ai réquisitionné un tracteur pour en constituer un train, alors que tous les nomades valides,
accompagnés par 3 gendarmes, prenaient la route en destination du camp. Ce moyen de fortune ne m'a
pas permis de mener à bien l'entreprise. 6 voitures seulement ont pu arriver à destination, alors que les
autres s'égrenaient sur la route. Je crois pouvoir affirmer que la totalité du convoi aura gagné le camp ce
soir, soit 47.
Cet effectif de 116 se décompose ainsi : 18 familles et isolés: 32 hommes, 28 femmes et 56 enfants.
Ces nomades proviennent, d'après les dires de ceux-ci : de Vannes et de Lorient, après avoir été groupés
au camp de Toulboubou, à Pontivy."
A Moisdon, comme dans les premiers camps ouverts dès l'automne 40, les nomades peuvent donc garder
leur roulotte et sont autorisés à l'occuper. Ceux qui n'ont pas d'abri personnel sont cantonnés dans des
dortoirs communs. Mais les uns et les autres vivent dans des conditions d'hygiène lamentables, comme
l'écrit l'infirmière dans un rapport daté du 27 janvier 1941 :
"Dans les roulottes, les familles vivent entassées dans un cube d'air nettement insuffisant. (On peut voir 11 à
12 personnes confinées dans une voiture de 3,50 m de long sur 1,80 m de large et 1,70 m de haut, soit un
cube d'air de 10 m3. Dans les dortoirs, installés dans trois grands bâtiments en maçonnerie, avec toit à la
Mansard, non plafonnés, donc très haut, on constate l'effet contraire et, du fait de leurs dimensions et
surtout du fait de leur hauteur, les dortoirs sont pratiquement impossibles à chauffer.
Les repas sont consommés soit dans les roulottes, soit dans les dortoirs, bien qu'un "réfectoire" soit prévu.
Mais il est situé dans une sorte de hangar ouvert à tous les vents et pratiquement inutilisable."
LE CAMP DE MOISDON EST DEVENU INHABITABLE
Site de l’ancien camp de Moisdon-la-Rivière. Certains
internés logeaient dans les bâtiments en dur, d’autres dans
leurs verdines stationnées sur le terre-plein. (Cliché J. Sigot)
L'hiver 1940-1941 est très dur, et le camp
devient vite inhabitable. Le 2 mars 1941, tous les
internés sont transférés dans celui de
Châteaubriant. Le 16 juin suivant, arrive à
Moisdon une partie des 4 baraques qui doivent
être montées en vue de la réoccupation éventuelle du site pendant la belle saison.
Le 6 juillet, on parle d'y renvoyer 339 nomades et 75 indésirables de droit commun. En installant les gens
par couchettes à deux étages, on disposerait de :
- 3 baraques Adrian à 60 places maximum soit 180 places,
- 2 dortoirs en maçonnerie à 70 places soit 140 places,
- 1 grand dortoir en maçonnerie à 120 places soit 120 places,
soit un total de 440 places.
Le casernement serait donc suffisant, tant que le beau temps persisterait. C'est qu'il faut libérer
Châteaubriant où est annoncée pour juillet l'arrivée importante de communistes. Le transfert des nomades
de Châteaubriant à Moisdon s'effectue le lendemain, le 7 juillet 1941.
Dans un rapport rédigé le 13 février 1942, le chef du camp recense 221 nomades, 95 forains, hommes,
femmes et enfants, tous Français.
Prévisions de l'administration pour le transfert dans le camp de Mulsanne (Sarthe), le 13 mai 1942,
puisque c'est maintenant vers ce nouveau camp que seront dirigés les internés de Moisdon :
De Moisdon à Châteaubriant les nomades seront transportés par camions puis, de Châteaubriant au Mans,
par wagons spéciaux accrochés au train régulier dont l'horaire est le suivant :
Châteaubriant 12 h 22.
Segré, arrivée : 13 h 37 - départ : 14 h 07
Château-Gontier, arrivée : 14 h 43 - départ : 14 h 55
Sablé, arrivée : 15 h 48.
A Sablé, les fourgons seront détachés pour repartir à 17 h 27 par un train de messageries qui les conduira
au Mans à 18 h 45. Ce convoi sera composé de 60 hommes, 47 femmes, 150 enfants de moins de 18 ans,
escortés par 50 gendarmes, et répartis en 5 wagons.
Le déplacement de la gare du Mans au camp de Mulsanne s'effectuera en autocars, sous escorte de
militaires de la gendarmerie, un camion devant se charger des bagages des internés.
"Je crois devoir appeler votre attention sur l'intérêt qui s'attache à ce que les nomades qui séjourneront au
camp de Mulsanne soient munis tant de leurs couvertures de couchage que de leurs assiettes, fourchettes,
cuillers, etc. L'Administration du Camp ne possède pas, en effet, de réserves de ces différents articles de
couchage et de table," écrit le Préfet de la Sarthe au sous-préfet de Châteaubriant.
Le convoi arrive bien au Mans à 18 h 45. Les internés sont ensuite conduits par camions à Mulsanne.
"Aucun incident", signale un rapport.
Châteaubriant (Loire-Atlantique, alors Loire-Inférieure)
Le camp de Choisel
Les premiers nomades à hanter le camp de Choisel arrivent le 27 février 1941, comme l'écrit ce jour-là le
sous-préfet à son supérieur. Les conditions de vie à Moisdon-la-Rivière devenaient trop dures.
"Un premier détachement de romanichels est acheminé dès aujourd'hui sur l'ancien camp de prisonniers de
Châteaubriant, dit camp "C". Le transfèrement continuera au cours des journées qui suivront. "
Celui-ci est terminé le 6 mars. Un cultivateur de Moisdon s'est chargé de grouper des chevaux et des
conducteurs du pays, lesquels ont consenti, à la demande du chef du camp, à exécuter le remorquage de
toutes les roulottes moyennant le prix forfaitaire de 75 frs par cheval et par jour.
Aménagé en contre-pente, le camp de Choisel est bordé dans sa partie nord par un ancien champ de
courses ; au sud, par les dernières maisons de la ville ; à l'est, par des champs ; enfin, à l'ouest, par une
route départementale reliant Châteaubriant au village de Fercé. "Situé dans l'Armor occidentale, écrit le
chef du camp, il bénéficie d'un climat maritime, égal et humide, d'humidité constante, avec prédominance
de vent d'ouest."
Ce camp a été construit par l'armée d'occupation afin d'y enfermer des prisonniers de guerre. Le même 27
février 1941, le sous-préfet envoie à son préfet un plan schématique du camp que les Allemands mettent,
sous certaines réserves, à la disposition de l'administration préfectorale. L’accompagne ce rapport :
"L'ensemble comprend, à l'intérieur d'une enceinte en fils de fer barbelés, 32 grands baraquements en bois
recouverts de tôle ondulée. Sur ces 32 baraquements, 20 sont immédiatement utilisables, 9 autres en voie
d'achèvement et 3 inutilisables, n'étant pas couverts. Sur le plan, ces baraquements sont numérotés de 1 à
32. Il y a, en outre, une installation de douches et d'étuvage numérotés 33 et 34. Un groupe de bâtiments
en maçonnerie à usage de ferme (habitations et dépendances) est numéroté M. I, et un autre grand
bâtiment en maçonnerie à usage d'écurie, M. II.
Dès maintenant, 335 romanichels arrivent au camp. Pour faciliter la surveillance, éviter que les nomades se
répandent dans le camp et y pillent tout selon leurs coutumes, une séparation en fils de fer barbelés a été
aménagée pour délimiter la partie du camp attribuée aux nomades.
Le baraquement 3 est transformé en pouponnière et salle à manger des enfants et femmes à suralimenter.
Les baraquements 4, 5, 6, 7, 8 et 9 sont les dortoirs des nomades. Le bâtiment 9 sera réservé à la
"réception". Y seront logés provisoirement, et jusqu'à épouillage et désinfection, tous les nouveaux arrivants
qui n'iront en dortoirs qu'après épouillage, étuvage de leurs effets et douche vérifiée. Ce local sera
désinfecté le plus souvent possible.
Le 10 sera transformé en atelier familial. Le 11, cuisine. Le 12, réfectoire des nomades. Le 13, magasin à
literie, épicerie, atelier du tailleur et du cordonnier.
Les roulottes seront parquées hors de la vue, vers M II, ce bâtiment étant utilisé comme réserve de vivres.
Elles ne seront plus habitées. Les propriétaires pourront, à certains jours et à certaines heures, y accéder
pour l'entretien des objets leur appartenant, et dont l'entrée dans les dortoirs sera interdite.
La baraque 32, qui n'est pas actuellement terminée, sera utilisée par les services administratifs.
Hors de cette enceinte, et au nord-ouest du camp, le bâtiment M I servira de corps de garde pour la
Gendarmerie et de locaux disciplinaires. La baraque 1, infirmerie, et la baraque 2, dortoirs des
gendarmes.
Tous les bâtiments dont il vient d'être parlé sont utilisables dans un avenir très prochain. Les bâtiments
numérotés de 14 à 19 inclus, seront entourés de fils de fer barbelés et réservés aux indésirables. La
première est affectée aux Vannetais arrivés le 28 janvier 1941, qui ne sont pas des nomades, mais
paraissent être des indésirables. Il est assez vaste pour servir de dortoir et de réfectoire.
Enfin, les baraques numérotées de 20 à 31 inclus, seront réservées aux communistes.
Les bâtiments renferment déjà de très nombreuses couchettes et paillasses (plus de 1000 literies fort
acceptables).
Tel que le camp est ainsi prévu, il pourra contenir :
- 500 nomades
- 400 indésirables
- 800 communistes."
LES CAMPS SONT TROP PROCHES DES VILLES
Le 5 décembre 1941, le chef du camp se plaint de la conception même des camps en général, et de celui
de Châteaubriant en particulier :
Emplacement.
"Les camps actuellement construits ne semblent pas répondre à la question ; d'une part parce qu'ils sont
trop près des agglomérations, d'autre part, trop près des voies de chemin de fer (évasions). Trop près des
agglomérations : En général, le camp fait partie des choses curieuses de la cité d'où, promenades des
touristes et des indigènes ; obligatoirement, et en cachette des factionnaires, visiteurs et internés échangent
des paroles."
Le sous-préfet répond le 16 décembre, alors que les nomades ont quitté le camp :
"L'emplacement du camp de Choiseul aurait certes pu être mieux choisi, mais nous n'avons fait qu'utiliser
un camp déjà aménagé par les Autorités allemandes. Les moyens de protection ne peuvent guère
maintenant être améliorés, étant donné les facilités dont nous disposons. En ce qui concerne la
spécialisation des camps, j'ai depuis longtemps fait part à M. le Préfet de la Loire-Inférieure et à M. C., des
graves inconvénients qu'il y a à réunir dans un même centre, des politiques (communistes et gaullistes), des
indésirables (avorteuses, gens du milieu, expulsés), des condamnés de droit commun, des étrangers, des
Israélites.
Je crois savoir que des dispositions sont prises afin de créer des camps spécialisés, mais pour l'instant, nous
sommes dans l'obligation de conserver les différentes catégories d'internés dont la garde nous est confiée."
LES NOMADES RETOURNENT A MOISDON-LA-RIVIERE
En juillet 1941, la belle saison provoque le renvoi des nomades dans leur ancien camp de Moisdon-la-
Rivière. Leur transfert est annoncé le 22.
Partiront d'abord les nomades isolés, sans roulotte ; puis les roulottes en deux ou trois échelons, suivant le
nombre d'attelages qu'il sera possible d'organiser. Ils iront alors rejoindre les isolés en dortoirs. Le chef de
camp réglera le mouvement de façon que chaque voiture ne soit accompagnée que par une seule personne
(en principe le chef de tribu), les autres personnes de la tribu seront transportées dans les mêmes conditions
que les "isolés".
Le camp de Choisel est libéré de ses autres occupants au 15 mai 1942, date à laquelle les Autorités
allemandes en prennent possession. Les départs s'effectuent ainsi :
1er mai : les indésirables hommes vers le camp de Rouillé (Vienne).
4 mai : les Juifs étrangers, vers le camp de Pithiviers (Loiret).
7 mai : les politiques hommes, vers le camp de Voves (Eure-et-Loir).
9 mai : les "marché noir", vers le camp de Gaillon (Eure).
11 mai : les femmes politiques et indésirables, vers le camp d'Aincourt (Seine-et-Oise).
Rennes (llle-et-Vilaine)
Le camp de la rue Le Guen de Kérangal
Arlette Dolo, en 1986, publie un mémoire de Fin d'Etudes Universitaires, Du rejet séculaire au camp
d'internement, qui traite de ce camp de Rennes. Je lui emprunte quelques renseignements.
Le camp ouvre officiellement ses portes aux Tsiganes le 2 novembre 1940 mais, comme pour beaucoup
d'autres, il a d'abord accueilli des Républicains espagnols. En effet, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande au
Commissaire Central de Police de la ville de Rennes de se charger de l'organisation et du fonctionnement
du camp "comme il fut procédé pour les réfugiés espagnols". Les baraquements sont alors remis en état.
Le terrain, d'environ 100 m de longueur sur 50 de largeur, est situé à l'angle de la rue Le Guen de
Kérangal et du boulevard Albert 1er. Son accès principal est constitué de portes grillagées donnant
directement sur le boulevard.
Les archives ne parlent que de deux baraquements quand des témoins se souviennent d'un nombre
supérieur. Le camp est prévu pour recevoir les familles avec leur roulotte, mais les témoignages de victimes
évoquent quasiment tous l'abandon du matériel lors des arrestations.
Comme cela se voit souvent pour les petits camps ouverts au début de la guerre, les Tsiganes internés
peuvent, semble-t-il, continuer d'exercer leur profession afin de se procurer le nécessaire pour vivre. Ils sont
tenus de regagner le camp le soir, sous peine de sanctions.
Arlette Dolo explique que les archives ne donnent pas tous les effectifs, et qu'elle ne peut recenser que 128
internés entre le 9 novembre et le 17 décembre 1940. 36 arrivées le 9 novembre, et 11 le lendemain. Elle
note que certaines familles sont ensuite transférées dans le camp de Moisdon-la-Rivière réputé plus sévère
que celui de Rennes. Sont-ce les départs signalés le 22 décembre, sans précision de destination ?
Les Archives départementales de la Sarthe conservent aussi quelques documents relatifs au camp de
Rennes. L'un, daté du 24 juillet 1942, signale qu'il est prévu de supprimer ce camp et d'envoyer les
nomades au Mans. Le 3 août, le préfet de cette ville prévient son collègue de Rennes que les internés de
Mulsanne sont partis pour Montreuil-Bellay. Le 5 août 1942, une nouvelle demande est effectuée. Le camp
de Montreuil-Bellay, prétextant un effectif excessif, refuse de les accueillir. Il y a alors 56 internés à Rennes,
hommes, femmes, enfants, certains vivant dans les baraquements, les autres dans les roulottes automobiles
ou hippomobiles, au nombre de 9.
Il est très difficile de déterminer la date exacte de la fermeture du camp de Tsiganes de Rennes. Arlette Dolo
n'a retrouvé que deux lettres peu précises : l'une du 5 décembre 1944 :
"Il apparaît impossible, en raison des circonstances de Guerre, et de la situation due à l'état de siège,
d'envisager la mise en liberté de tous les nomades actuellement internés, avant que leur cas ait fait l'objet
d'examen individuel..."
L'autre du 5 janvier 1945 :
"Plus de nomades rue Le Guen de Kérangal. Camp occupé par des Russes…"
Vu les différents transferts signalés vers les camps de Moisdon-la-Rivière, Montreuil-Bellay et Jargeau, et vu
la relative modestie des effectifs relevés, il semble qu'il n'y ait plus beaucoup de Tsiganes internés fin 1944.
Par la suite, le camp est utilisé pour loger des familles sans ressources, prises en tutelle par la ville et ne
payant pas de loyer. Il est rasé dans les années 1968/70 pour laisser la place à un immeuble.
Boussais (Les Deux-Sèvres)
Le camp de Boussais était installé sur les terres d’un château ruiné, ici en 1988,
qui appartenait au département des Deux-Sèvres. (Cliché J. Sigot)
Charles Henrique vit en roulotte à Chef-Boutonne, dans les Deux-
Sèvres, avec son épouse et huit enfants. Un jour par semaine, il
fait le commerce de chevaux dans la petite ville ; le reste du
temps, il travaille comme manutentionnaire à la gare. Un matin
de l'automne 1940, les gendarmes arrêtent tout le monde. La
verdine se retrouve bientôt sur un plateau derrière la locomotive,
et les Henrique dans un wagon à bestiaux. Et le train conduit tout
le monde à Airvault. De là, par la route, on gagne le château de Châtillon, à Boussais. La propriété
appartient au Département, ce qui en explique le choix.
Les Henrique ne sont pas seuls, d'autres nomades les ont précédés, et ils sont une soixantaine à hanter ce
camp de fortune. Les uns vivent dans leur roulotte parquée dans la cour, les autres ont investi les salles du
château qui n'était plus habité mais qui, dans l'année, avait déjà reçu des Espagnols, puis des réfugiés à
l'Exode.
Le préfet des Deux-Sèvres a chargé la secrétaire de mairie de Boussais de s'occuper de tout. Les gens du
village gardent le souvenir de fêtes autour d'un feu, le soir. Les femmes dansent, et des hommes
accompagnent les chants à la guitare. Les gendarmes d'Airvault viennent régulièrement, mais semble-t-il
pour la forme. Qui penserait tellement à se sauver ? on est ensemble, nourri. La vie de château, quoi ! Et à
1’extérieur, l'Occupation, la guerre... Et qui pourrait prévoir ce que réservent les lendemains ?
Après Boussais, viendra Poitiers avec ses barbelés et ses miradors. Il n'y en a pas à Boussais.
Poitiers (Vienne)
le camp de la route de Limoges
"Le 4 décembre [1940], 204 nomades expulsés des régions côtières du Sud-Ouest sont assignés à
résidence dans la Vienne. Ils intégreront le camp de Poitiers le lendemain", écrit Marie-Christine Hubert
dans Hommes & Migrations.
Le camp de Poitiers, comme de celui de Châteaubriant, est mixte. C'est-à-dire qu'en même temps que les
Tsiganes y sont internés des Espagnols, et surtout des Juifs. Ce qui fait que la présence allemande s'y fait
sentir, alors que nous avons vu qu'elle est discrète, voire absente, dans les autres camps étudiés.
Les cuisines du camp de Poitiers ont fortuitement disparu la semaine précédant l’inauguration d’une stèle sur le site,
le 4 septembre 1985. (Cliché J. Sigot)
Le directeur des Archives départementales de la Vienne est le seul à m'avoir interdit l'accès à ses dossiers.
Aussi, pour le camp, utilisé-je le récent et très documenté ouvrage de Paul Lévy, Un camp de concentration
français : Poitiers 1939-1945, et différents articles parus dans la presse régionale.
Des terrains sont réquisitionnés au lieu-dit du Fief du Pied de Marc, à la sortie de Poitiers, le long de la
route nationale qui conduit à Limoges. Les baraquements, montés en octobre 1939, sont destinés à
accueillir des réfugiés espagnols jugés indésirables en ville, parce que trop nombreux.
Le camp ouvre ses portes aux Tsiganes le 5 décembre 1940, "200 Romanichels réfugiés dans les
baraquements de l'ancien centre des républicains espagnols route de Limoges", cite Paul Lévy, p. 26. Sur
les 15 baraques, 10 sont encore occupées par les Espagnols, les 5 autres par les nouveaux arrivants. Des travaux
sont entrepris pour améliorer les conditions de vie difficiles. Relisons Paul Lévy :
"Le 10 mai 1941, les locaux disciplinaires sont achevés, de même que trois groupes de WC.
L'assainissement des urinoirs et l'évacuation des eaux usées sont terminés.
La disposition du camp est revue. La partie administrative – le bureau du Directeur, le corps de garde et
l'infirmerie – est séparée des baraquements abritant les internés.
Il est envisagé de construire une nouvelle cuisine à proximité de la direction et de la gendarmerie pour "une
surveillance plus efficace", et de transformer l'ancienne cuisine en douches, conformément aux
recommandations du médecin inspecteur de l'hygiène pour contraindre "tous les Nomades à passer à la
douche."
A la fin de 1941, des enceintes de barbelés délimitent des zones dans le camp : l'une enferme 7
baraquements pour les Espagnols et les nomades, la seconde, 6 dont "cinq occupés par les Israélites". En
1943, les nomades sont répartis dans 6 baraquements, et les Juifs dans 2. Ils sont de types Adrian, de 50
m de long sur 6,40 de large. Le rabbin Bloch les décrit à Paul Lévy :
"[...] avec 100 personnes dans celles abritant les Juifs. Le taux d'occupation est identique chez les Tsiganes.
Chaque interné ne dispose même pas d'un mètre carré pour se coucher !
Dans ces conditions, il ne peut y avoir de matelas, à plus forte raison de lit qui, même destiné à une seule
personne, atteint les 2 m2 environ. Hommes, femmes, enfants dorment sur de la paille étendue à même le
sol et disposant de quelques couvertures."
Au début, seule une simple clôture de fils de fer barbelés bien peu efficace entoure le site, mais
l'enfermement n'est pas encore d'une grande sévérité. Les nomades peuvent se rendre en ville pour certains
besoins, ce qui ne plaît pas toujours aux sédentaires.
Certains internés vivent dans leur roulotte, à l'intérieur de l'enceinte, et ont gardé leurs animaux, ce qui
cause encore des troubles. Excédé, le chef de la Feldkommandantur de la Vienne demande la disparition
du matériel qui est transféré ailleurs.
En janvier et mai 1941, un tableau de travail puis un règlement, essaient de rétablir l'ordre, de discipliner
ces nomades qui ne sont pas gens à accepter la moindre contrainte.
Effectifs : plus de 400 à la fin du premier trimestre de 1941. 200 le 5 décembre 1940, 444 le 30 juin
1941. Puis le nombre stagne entre 400 et 450 jusqu'en janvier 1943, date à laquelle 70 hommes âgés de
18 à 60 ans sont déportés en Allemagne pour y travailler. L'effectif chute à la suite de l'important transfert
de décembre 1943 dans le camp de Montreuil-Bellay, et ne restent à Poitiers que 31 personnes à la fin de
ce mois. Les 15 derniers nomades encore internés à Poitiers quitteront cette ville le 24 novembre 1944 pour
retrouver leurs compagnons de Montreuil-Bellay.
Coudrecieux (Sarthe)
le camp de la Pierre
Le camp de nomades est créé le 18 novembre 1940. Il est établi dans une ancienne verrerie, à 1.500 m à
l'est de Coudrecieux (40 km du Mans, route de Saint-Calais), sur un plateau boisé à proximité du Château
de la Pierre. Climat tempéré. Il offre l’avantage d'être isolé. Moyen de locomotion : ligne Mamers-Saint-
Calais. Comme à Moisdon-la-Rivière, quelques nomades logent dans leur roulotte, le plus grand nombre est
installé dans des bâtiments en dur.
Un rapport du docteur inspecteur adjoint de la Santé, daté du 5 janvier 1942, nous décrit ces différents
logements. Nous retiendrons quelques exemples représentatifs. L'effectif se présente alors ainsi : 218
hommes et femmes, 96 enfants. 19 sont à l'hôpital du Mans, 3 à l'hôpital de Saint-Calais (des malades
seraient morts en voiture pendant un transport à l'hôpital), 4 sont en prison et 29 se sont évadés. Pour les
locaux :
"Dans le 1er bâtiment, 9 chambres de dimensions variables avec un sol en terre battue, chauffées soit avec
une cheminée, soit avec un petit poêle. La sixième chambre a environ 12 mètres sur 5. Onze châlits sont
alignés pour douze personnes. A une extrémité, une partie des habitants se chauffe autour d'un petit
poêle ; à l'autre extrémité, une autre famille moins favorisée n'ayant ni poêle ni cheminée a allumé un feu à
même la terre battue, lequel remplit toute la pièce d'une fumée bleue épaisse et âcre. Une femme malade
depuis quatre jours est alitée. Dans la huitième chambre, vit une seule famille de douze personnes, dont
sept enfants 16, 13, 11, 8, 5, 3 ans et 2 mois. Les occupants ont badigeonné eux-mêmes leur chambre à la
chaux. La pièce est tenue très proprement, le bébé est particulièrement soigné, du linge lavé sèche. La
neuvième chambre doit servir d'école. Elle a douze mètres sur six, le plafond est bas. Les quatre fenêtres
présentent beaucoup de carreaux cassés. On pense la diviser en deux pour faire deux classes. Dans un
dixième local rempli de plâtras, une personne seule s'est créé dans un coin une niche sale installée
sommairement."
Il existe trois autres bâtiments.
DES INTERNÉS VIVENT DANS LEUR ROULOTTE
II y a 26 roulottes dans le camp :
"Première roulotte : misérable, 7 à 8 mètres cubes d'air empesté par six personnes et un petit poêle. Quatre
enfants, 7, 4, 2 ans et 2 mois, à peine vêtus.
Quatrième roulotte : sale, occupée par la famille L., cinq personnes dont trois enfants, 14, 5 ans et 13
jours ; le père malade couché.
Cinquième roulotte : Propre, habitée par trois grandes personnes qui manquent de linge et de vêtements.
Septième roulotte : très sale, n'a pas de porte, est occupée par un veuf D. Laurent, avec trois enfants 20,
11, 10 ans ; un autre enfant est à l'hôpital.
Huitième roulotte : Assez propre, le poêle est en mauvais état. Est occupée par D. André et sa femme. Leurs
chaussures sont percées. Ils manquent de vêtements.
Dixième roulotte : pas très propre (odeur de renfermé), occupée par 6 personnes D., dont trois enfants, un
de 5 ans et deux jumelles d’1 an. Une des jumelles gît sans bas, sans chaussures sur un grabat. Tous sont
en haillons.
Seizième roulotte : Famille C., de 9 personnes, dont 7 enfants 17, 12, 11, 7, 5, 2 ans, n'ont pas de
chaussures, sont en haillons, mais assez propres. Tout l'intérieur de la roulotte est orné de guirlandes de
fleurs en papier."
Trois WC à la turque sont installés au milieu d'une cour. Ils sont sales. La plupart des gens déposent leurs
ordures dans des réduits au-dessous des fours, plus proches de leurs roulottes que les WC.
Autres effectifs : Ils sont 118 internés le 18 novembre 1940 ; 203 fin novembre ; 250 le 19 juin 1941 ; 291
le 24 décembre. Ils sont 325 le 24 janvier 1942, dont 223 hommes et femmes, et 102 enfants de 1 à 13
ans. En nationalités : 1 Italien, 2 Hongrois, 4 Belges, les autres sont Français.
Le 26 août 1941, le préfet de la Sarthe signe le règlement intérieur. En voici quelques extraits,
accompagnés de renseignements rencontrés dans d'autres archives relatives à ce camp :
"Article 3 :
Les gardiens n'ont pas la qualité pour punir de leur propre autorité les nomades internés. Les sanctions
justifiées par des actes contre le règlement ne peuvent être prononcées que par le Chef de camp ou, dans
les cas présentant une certaine gravité, par le Préfet.
Un poste de 4 gendarmes est installé à proximité du camp au début de juin 1941. Le 22 août, est décidée
la construction d'un local disciplinaire. Les archives sur le camp de Coudrecieux révèlent quelques punitions
exemplaires. Un interné s'évade pour, dit-il, aller voir ses enfants : 8 jours de cachot. Un autre s'évade : 8
jours de cachot, au pain sec et à l'eau ; même régime à deux complices reconnus. Une femme frappe un
garde qui l'empêchait de sortir faire des courses : 8 jours de cachot. Un homme insulte et menace les
gardiens : 8 jours de prison.
Article 7 :
c) Les enfants âgé de moins de 14 ans assistent obligatoirement à l'école du camp. Pour toute absence
injustifiée ou non autorisée et en récidive, il sera fait par la gendarmerie application de la loi du 28 mars
1882.
Article 14 :
En principe, les chiens appartenant aux internés peuvent séjourner au camp. Toutefois, il importe de veiller
à ce que les animaux malades ou sans valeur soient supprimés, après consultation du vétérinaire. En aucun
cas, les chiens ne doivent être maltraités lors de l'abattage.
Article 15 :
Tous les nomades sont astreints aux corvées du camp. Tout refus d'effectuer une corvée motivera la
suppression du pain tant que la corvée n'aura pas été exécutée.
Il est interdit d'une façon absolue d'employer des nomades à des travaux agricoles. Seule est recommandée
l'utilisation des internés à diverses tâches effectuées à l'intérieur du camp, telle que la coupe de bois.
Dans le cas où certains seraient susceptibles d'être occupés à l'extérieur, à des travaux de routes ou de
chemins, ce ne pourrait être qu'en groupes assez importants, en des endroits faciles à surveiller, et sous la
garde de la gendarmerie française, laquelle est munie d'armes.
Article 17:
Aucune permission n'est accordée aux internés pendant leur séjour au camp
Article 20 :
Les internés sont autorisés à acheter des vivres s'ajoutant à l'ordinaire du centre. A cet effet, les femmes
peuvent, les mardi et vendredi, se rendre à Coudrecieux, accompagnées par des gardiens. Toute action
commerciale (vente de fil, boutons, dentelles, etc.) leur est formellement interdite, tant sur le parcours
séparant le camp du village, que sur le territoire même de ce dernier. Celles qui réintégreraient le camp en
état d'ivresse seraient privées des dites sorties pendant un mois."
Dans son édition du 26 août 1941, Le quotidien local La Sarthe du Soir évoque la sortie dans le village de
deux internés :
UN REGLEMENT DE COMPTE ENTRE NOMADES
"Le 19 courant, vers 11 heures, les nomades Roussalino et Demestre, profitant du jour de sortie des
internés, se trouvaient dans un débit de la localité, lorsqu'il fut question d'argent prêté. Roussalino voulait
rentrer en possession des 150 frs qu'il avait prêtés à Demestre. En fait de remboursement, ce dernier saisit
Roussalino par sa majestueuse barbe et en arracha quelques poils, puis le fit tomber à terre en lui
administrant des coups. La scène ayant pris fin sur l'intervention d'un passant, Roussalino vint tout en pleurs
conter son odyssée aux gendarmes, regrettant davantage les quelques poils de sa barbe perdus que les
coups reçus. Après enquête, les gendarmes n'ayant pu établir avec certitude les responsabilités, ont dressé
procès-verbal à chacun des antagonistes.
Article 21 :
Les jeux d'argent sont interdits entre internés. Il en va de même des trafics de toute nature. Seuls, les dons
de vivres, de vêtements, de médicaments et les prêts de livres, journaux et brochures sont autorisés. "
Le mur du parc du château de La Pierre, haut de deux mètres, limite le camp sur une longueur, la clôture
étant complétée par des fils de fer barbelés peu efficaces ; ce qui explique le nombre important des
évasions. Pour imaginer dans quel état se trouve le camp à la fin de son existence, en mars 1942, relisons
Christian Bernadac qui reprend un rapport d'A. Piochet :
" [...] La malpropreté du camp s'aggrave. Les cantonnements sont sales et désordonnés, la literie manque ;
pas de paille fraîche pour le couchage. Les objets d'ameublement et de ménage et les sièges sont absents.
Les internés sont en haillons ; il manque des vêtements strictement nécessaires. Les bâtiments du camp sont
dans un état déplorable ; les toits sont défectueux, les portes et les fenêtres ne ferment pas ; il n'y a plus de
clés, ni souvent de serrures. Les volets, les parquets des greniers ont été transformés ou brûlés. Les tuyaux
de plomb, les fils électriques ont été arrachés et vendus par les nomades. Les feuilles métalliques existant ici
ou là ont été utilisés pour réparer les roulottes. Des dépôts d'immondices s'étalent un peu partout. La nuit,
pas d'éclairage."
Les internés sont 370 le 17 mars 1942, peu avant leur transfert dans le camp de Mulsanne. Ils quittent
Coudrecieux le 15 avril. Les roulottes restent dans un local de la Verrerie sous la surveillance d'un gardien
rétribué 200 frs par mois. Elles y seront encore le 31 juillet 1944.
Mulsanne
Le 12 février 1942, les Autorités d'occupation font remise du site aux Autorités civiles françaises.
Le camp pour nomades est créé le 15 avril 1942, par circulaire télégraphique (PN n° 35/539 du 31 mars
1942) du préfet, délégué du Ministère de l'Intérieur dans les territoires occupés. Il doit rassembler les
nomades jusqu'alors internés à Coudrecieux, Moisdon et Montléry.
Le camp se trouve à 600 mètres à l'ouest des routes du Mans à Tours et d'Arnage, (ancienne route du
Circuit automobile permanent de la Sarthe), à 1 km au nord-ouest de Mulsanne, au flanc d'un petit coteau
déboisé. Il est entouré de bois de sapins. La gare la plus proche est celle d'Arnage, à 4 km (sur la ligne du
Mans à Tours). Le camp est donc isolé de toute agglomération. Le climat est sain, précise un rapport. L'aire
réservée aux Tsiganes enferme 35 baraques, et n'occupe qu'une partie du camp primitif qui en comptait
186 et qui a servi auparavant pour interner des prisonniers de guerre nord-africains ; l'autre partie est
destinée à d'éventuels réfugiés civils. Sa capacité totale est de 1100 à 1200 personnes. L'effectif actuel
s'élève à 750.
Les nomades sont logés dans des baraques en tôle ondulée de forme demi-cylindrique, avec plancher en
bois surélevé du sol et posé sur des dés en maçonnerie ; elles sont édifiées par groupe et séparées par des
allées assez larges ; chacune héberge de douze à quinze personnes, suivant les familles. Ces bâtiments de
construction spéciale sont très chauds l'été et très froids l'hiver. La question du chauffage de ces
cantonnements pour l'hiver constitue un très délicat problème. Les douches ne fonctionnent pas en raison de
gros travaux à effectuer, toute l'installation d'eau ayant éclaté l'hiver. Dès l'ouverture du camp, les travaux
les plus urgents sont effectués, les lavabos avec eau sous pression sont remis en état et les nomades peuvent
les utiliser toute la journée pour leurs besoins.
"Jusqu'à ce jour, aucun rat n'a été vu dans le camp ou aux abords", rapporte le préfet le 13 juin.
L'effectif est de 489 internés le 22 avril 1942.
Ils sont 711 dans le rapport de juin : 574 Français, 23 Belges, 5 Portugais, 4 Espagnols, 3 Monténégrins et
1 Italien. 111 sont de nationalités indéterminées. Le 8 juillet 1942, ils sont 877.
En mai, 80 filles et 76 garçons de 6 à 14 ans sont inscrits à l'école qui, comme le camp lui-même, est en
période d'organisation : le cloisonnement des classes est réalisé, du matériel nouveau (tables, tréteaux) a
été confectionné.
En un premier temps, l'enseignement est assuré par deux instituteurs et une institutrice, une seconde
institutrice est annoncée. Une garderie est prévue pour les enfants en bas âge. Le 23 mai, les instituteurs de
Mulsanne adressent une lettre au directeur d'une scierie :
"Nous sollicitons de votre bienveillance l'autorisation de collecter les écorces et brindilles qui couvrent les
sapinières dont vous avez la propriété aux environs du camp d'internement de nomades de Mulsanne. Ces
écorces et brindilles seraient ramassées par les enfants au cours des promenades surveillées et destinées à
la cuisson du lait des bébés du camp, aucun moyen de chauffage n'ayant été prévu jusqu'à présent. Nous
nous engageons à faire attention à ce que vos jeunes plants de sapins ne soient pas détériorés [...]."
Ce qui est accepté.
Les Alliés ayant commencé à bombarder des objectifs en France, rapporte Christian Bernadac, les
Allemands craignent des attaques aériennes sur la gare de triage, les Usines Renault, les usines Gnome et
Rhône, le terrain d'aviation, qui sont relativement proches du camp de Mulsanne, et la fermeture de ce
camp est décidée. C'est aussi que les Allemands ont besoin des bâtiments pour leurs troupes.
Le 3 août 1942, 717 internés, encadrés par 50 gendarmes et 20 gardiens civils placés sous la direction
respective d'un capitaine de gendarmerie et du directeur du camp, sont transférés par train spécial.
L'embarquement a lieu en gare d'Arnage, le départ du convoi s'effectue à 11 h 05. L’arrivée est prévue à
Montreuil à 15 h 10.
Le camp de Mulsanne en 1947, alors que sont internés des soldats allemands.
(Archives Joseph Klupczynsky qui fut gardien dans le camp)
Dès la libération, en septembre 1944, le camp est repris par les Français qui y internent des soldats
allemands. Il est occupé jusqu'en août 1947, date à laquelle il disparaît. L'automobile Club de l'Ouest n'est
pas étranger à la mesure, désirant récupérer son circuit en partie interrompu par le camp.
En ce début décembre 1995, Joseph Klupczynski m'accompagne sur le site. Né en Lorraine de parents
polonais, il était sergent et interprète quand il est arrivé le 17 avril 1947 à Mulsanne. Y étaient alors
internés 6500 à 7000 militaires allemands, dont une vingtaine d'officiers supérieurs, généraux et
maréchaux regroupés dans un bloc et accompagnés des ordonnances.
Un golfe occupe aujourd'hui un cadre devenu enchanteur, quand ce n'était qu'une terre nue et boueuse.
Ne reste bizarrement du passé que le bâtiment des anciennes toilettes. Bouleaux et sapins ont été plantés
par les prisonniers en 1946. Mon guide retrouve la trace encore lisible de l'allée principale, replace la
chapelle, la rangée de barbelés sur la ligne de crête au nord, le cheminement de la voie étroite du chemin
de fer qui conduisait à la gare d'Arnage. Avant que nous ne nous quittions, il me confie une photo prise
pendant cette dernière période du camp de Mulsanne.
Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire)
Le camp de Méron
Le camp de Montreuil-Bellay est considéré comme l'un des plus importants, sinon le plus important camp
pour Tsiganes.
A l'origine, c'est une cité construite entre janvier et juin 1940, destinée à loger le personnel d'une poudrerie
que le ministère de la Guerre installe aux abords de la ville. L'invasion allemande la transforme, jusqu'en
mars 1941, en stalag pour les soldats français en déroute qui seront déportés ensuite outre-Rhin comme
prisonniers, mais aussi pour des civils originaires de l'empire britannique, arrêtés pendant la Bataille
d'Angleterre, et toutes sortes d'individus interceptés sur les routes de la région.
Elle devient camp de concentration pour Tsiganes à partir du 8 novembre 1941, et ce, jusqu'au 16 janvier
1945. Celui-ci reçoit les effectifs d'une multitude de camps plus ou moins grands que l'on ferme, ou que
l'on destine à d'autres catégories d'internés.
Montreuil-Bellay, à 16 km au sud de Saumur, est en 1941 une charmante petite ville de 2.237 habitants,
dans un merveilleux site de la vallée du Thouet. Elle est fière de son château, l'un des plus beaux de
l'Anjou. Le camp s'est réfugié à quelque 3 km du bourg, et il suffit de relire un rapport du sous-préfet au
préfet, daté du 19 janvier 1942, pour imaginer le contraste entre les deux mondes qui se côtoient sans se
connaître :
"Plateau aride, sec et très aéré, mais n'ayant aucun ombrage, le camp s'étale sur une longueur d'environ
500 mètres sur une largeur entre 80 et 150 mètres, en bordure de la route nationale reliant Montreuil-
Bellay et Loudun."
Ruines du camp de Montreuil-Bellay. Long d’un kilomètre, large de 50 à
60 mètres, coincé entre une route nationale et une voie ferrée, toutes deux
conduisant d’Angers à Poitiers. (Cliché J. Sigot en 1990)
Le camp compte 31 bâtiments, tous éclairés à l'électricité, à
l'usage de chambres qui répondent à une capacité de
1700 personnes environ, en utilisant les couchettes doubles.
Un premier ensemble regroupe 17 baraques de 12 m de
longueur, 4 de largeur et 3 de hauteur, en fibrociment à
double paroi, séparés du sol par un petit mur en pierre
d'environ 0,50 m, ou montées sur pilotis de même hauteur.
Distantes les unes des autres d'environ une dizaine de
mètres, elles sont bien aérées et éclairées par 8 fenêtres.
L'aménagement intérieur permet 40 couchettes, simples ou doubles, à un ou deux étages, garnies de paille
ou de paillasse avec, pour chacune, une ou deux couvertures appartenant au camp ou aux occupants. Au
16 décembre 1941, chaque baraque abrite 3 ou 4 familles.
Les baraquements du deuxième groupe sont en parpaings avec un sol en ciment, quand celui des
précédents est en bois. Plus grands, ils possèdent chacun une vingtaine de fenêtres.
Un troisième ensemble, au centre du camp, abritent les cuisines, deux réfectoires, dont l'un est bientôt
transformé en réserve de nourriture. Des baraques accueillent deux salles à usage de lavabos, une
buanderie et une étuve. Un petit local indépendant enferme bien 16 places de W.C., mais les chasses d'eau
ne fonctionnent pas. Plusieurs feuillées, dans des abris de planches mal jointes, font l'affaire ; les planchers
sont percés d'orifices.
Une infirmerie et une pouponnière, plus ou moins aménagées, une chapelle et deux salles de classe, des
ateliers, complètent l'inventaire.
La clôture est composée de deux lignes de barbelés distantes de 2,50 mètres. Entre ces deux lignes
parallèles ont été ajoutés des chevaux de frise. Deux miradors aussi, l'un du côté de Montreuil, l'autre du
côté de Loudun. L'enceinte est électrifiée et éclairée, ce qui en fait une belle cible pour les bombardements
des avions alliés quand tous les alentours sont plongés dans le noir. Elle sert même pour les pilotes d'avions
anglais, comme l'évoque Hugh Verity dans son ouvrage Nous atterrissons de nuit :
"Pour mon propre voyage d'entraînement, je fus briefé, sauf sur un point. On m'avait expliqué comment
me diriger dans un couloir exempt de flak [ensemble de canons de défense aérienne] pour arriver en un
point au sud de Saumur [...] La nuit n'était pas mauvaise, et la navigation donnait peu d'ennuis, mais je fus
étonné quand je vis le point au sud de Saumur qu'on m'avait désigné se présenter comme un rectangle
brillamment éclairé. Ce devait être un camp de prisonniers entouré de barbelés éclairés par des
projecteurs. En 1988, Roger Lequin découvrit qu'il s'agissait d'un camp de prisonniers allemands réservé
aux gitans, près de Montreuil-Bellay. Dans un pays où sévissait partout le black out, cette tache lumineuse
se distinguait à des kilomètres à la ronde. J'en parlai à mon retour, et fus mis dans le secret. Ce n'était
qu'un test pour s'assurer que les nouveaux pilotes s'étaient réellement rendus au point prescrit. C'était mon
test de qualification. J'étais maintenant opérationnel."
La prison, le "gnouf", est l'ancienne cave d'une ferme qui a brûlé au début du siècle. Un poste de garde,
avec téléphone, la seule construction importante ajoutée pendant la période tsigane, se dresse face à
l'entrée principale.
DES JEUNES GENS SONT GARDIENS POUR ÉCHAPPER AU STO
Le 19 décembre 1941, sont détachés 1 adjudant de gendarmerie, 2 maréchaux des logis et 25 gendarmes.
A partir de janvier 1943, sont recrutés des gardes civils, le plus souvent des jeunes gens qui échappent
ainsi au départ pour l'Allemagne dans le cadre de la Relève Forcée (septembre 1942) puis du Service du
Travail Obligatoire (le STO) institué par la loi du 16 février 1943. L’effectif général des gardes comprend
alors environ 1 adjudant, 6 gendarmes, 45 gardes civils, dont 2 cuisiniers. Pour simplifier, les gendarmes
surveillent les gardes civils qui surveillent les internés...
C'est en août 1942 que le camp compte sa plus forte occupation, 1.096 hommes, femmes et enfants, à la
suite de l'arrivée des 717 nomades et clochards transférés de Mulsanne. Il en reste 498 quand le camp est
évacué, le 16 janvier 1945. Quelques-uns sont alors libérés ; la plupart sont envoyés dans les camps de
Jargeau et d'Angoulême. C'est que l'on a besoin du site de Montreuil pour interner des civils allemands,
essentiellement des femmes, précédemment parqués dans le camp alsacien du Struthof après avoir été
interceptés par les FFI et les armées de libération.
L'ayant fait abondamment dans mon ouvrage, je ne reprendrai pas ici la vie de tous les jours, peu
différente de ce qu'elle est dans les autres camps. Rappeler seulement que les internés souffrent surtout de
l'impossibilité de se déplacer, peut-être le plus insupportable pour des gens dont la raison de vivre était la
liberté de la route ; des conditions matérielles lamentables ; de l'indigence de la nourriture.
Autrement, ils ne font rien en dehors, pour certains, de quelques corvées de cuisine ou de nettoyage.
Pourtant, le 22 août 1942, 85 hommes sont mis à la disposition des usines Renault du Mans. Ils y ont déjà
travaillé alors qu’ils étaient dans le camp de Mulsanne. Ils sont logés dans l'ancien dépôt de prisonniers de
guerre, à la Foucaudière, à l'entrée de la gare de triage. "L'état d'esprit des nomades est déplorable, écrit
le lendemain le chef du camp de la Foucaudière au préfet de la Sarthe. Dès leur arrivée ici, voyant que de
nouveau ils étaient dans un camp, beaucoup ont déclaré que si leurs femmes et leurs enfants ne venaient
pas avec eux, ils cesseraient le travail dans un délai très court, certains parlent même de ne pas commencer
demain et de retourner au camp de Montreuil."
L'expérience n'est pas concluante, et ils sont réintégrés le 5 septembre. D'où cet ennui dans le camp, à
attendre, à ne rien attendre d'autre que la liberté perdue, attendre pendant des années, coincés entre une
route passagère et une voie ferrée.
Il n'y a pas à proprement parler de brimades. Il y a bien le gnouf, la prison enterrée dans laquelle sont
enfermés les "fortes têtes", ou ceux qui détériorent le matériel, comme par exemple en confectionnant des
vêtements dans les couvertures… qui appartiennent à l’Administration !!! Parfois, suite à des
bombardements, c’est un enfant de chaque famille en otage qui y est envoyé pour éviter que les adultes ne
s'enfuient par les brèches de la clôture.
Sur ce sujet des sévices, j'ai recueilli un témoignage qui peut faire comprendre certains
rapports entre les autorités et les internés. Il est de Joseph Henrique alors âgé de 13
ans :
"Un jour, on est venu nous chercher pour que nous aidions à décharger un camion de
carottes. J'en ai caché dans ma ceinture juste avant que nous ne terminions. Un
gardien m'a vu faire et m'a entraîné dans le bureau. Quelle punition je vais pouvoir te
donner ? m'a-t-il demandé. Il tenait un stylo, ou un crayon à la main. Il l'a laissé
tomber en disant. Ramasse-le ! Comme je me baissais pour lui obéir, il m'a donné un
violent coup de soulier sous le menton pour me redresser. Sous le choc, mes dents se
sont cassées ou me sont entrées dans la mâchoire. Impossible pendant plusieurs jours
de me servir de la bouche. Il me reste cette cicatrice, plus de 40 ans après."
Joseph Henrique en 1985. (Cliché J. Sigot)
Quand le camp est vidé, le 16 janvier 1945, pour laisser la place aux civils allemands, la plupart des
derniers nomades sont transférés dans deux autres camps, à Angoulême et à Jargeau, et non pas libérés
alors que Montreuil-Bellay l’a été plus de quatre mois auparavant, le 1er septembre 1944.
Jargeau (Loiret)
Le camp est aménagé le 5 mars 1941 sur l'ancien emplacement d'un centre de réfugiés, lequel a été utilisé
pendant un temps par les Allemands pour y parquer les prisonniers de guerre. D'une superficie de deux
hectares et demi, il se trouve à 600 mètres du centre-ville. Il s'étale sur un plateau peu incliné, exposé à
tous les vents, très humide et très froid l'hiver.
L’allée centrale du camp de Jargeau. (DR)
La forme générale est celle d'un trapèze. Ont été
édifiés, échelonnés perpendiculairement à une
allée centrale allant de la porte d'entrée en
direction du sud, 18 baraquements semblables.
Les cloisons sont en contre-plaqué, une dalle en
ciment en couvre le sol. Les murs extérieurs sont
constitués par un revêtement en sapin. Celles qui servent de logement comptent 6 à 8 cases ouvrant sur un
couloir latéral ; une par famille, en principe, soit une moyenne de 55 internés. Seul le chef de baraque en a
une fermée. Un lavabo occupe le fond : douze jets commandés par un robinet au-dessus d'une auge en tôle
galvanisée. Toutes les cases sont éclairées électriquement du réveil jusqu'au jour, de la tombée de la nuit
jusqu'à 21 h. L'interrupteur se manoeuvre du poste de police. Un seul poêle par baraque, toujours
insuffisant. Un local isolé par une clôture et des barbelés est réservé à des prostituées.
Les waters, au nombre de 10, sont des fosses "Caruelle", à trois sièges à la turque, dans un état de
malpropreté repoussante, et le directeur ne sait qui doit les nettoyer. A la demande du maire, les matières
sont répandues sur des terrains vagues avoisinant la Loire, entre les levées et le lit du fleuve.
Les cuisines sont d'anciennes roulantes de l'armée placées sur maçonnerie après la suppression des roues.
Existent aussi une infirmerie constituée de deux baraques jumelées, une chapelle jouxtant une pièce pour le
matériel contre l'incendie, une école avec un préau, des bâtiments d'administration (bureaux, chambres
pour le personnel), un poste de police, des locaux disciplinaires, des remises et des ateliers.
Le site est entouré d'une clôture verticale faite de poteaux de ciment et de fils de fer barbelés avec,
intérieurement, un réseau concentrique et continu de chevaux de frise ; il n'a qu'une issue, la porte d'entrée.
L'installation électrique, sur la périphérie, permet l'allumage par commutateurs répartis en six endroits, à
proximité des postes de sentinelles.
Les travaux d'aménagement du camp sont terminés en mars 1941, et les premiers nomades, originaires du
Cher, arrivent le 5 avril suivant. Ils sont 168 à la fin du mois. Le plus fort effectif est relevé en août de la
même année, soit 606.
Les Archives du Loiret conservent un rapport rédigé le 28 novembre 1941, qui évoque l'état sanitaire du
camp. Reprenons-en quelques extraits :
"II y a des internés des deux sexes et de tout âge, depuis l'enfant qui vient de naître jusqu'au vieillard de
plus de 80 ans.
[...] Ces 273 enfants représentent un capital, et il y a un intérêt national à les conserver ; il faut prendre
toutes les dispositions utiles pour mettre affront aux "qualités" ancestrales d'ordre et d'organisation de
l'administration française.
[...] A Jargeau comme ailleurs, le marché noir s'épanouit, et au camp, non seulement il est le fait des
internés, mais bien plus encore, celui de la haute administration.
Les services de contrôle économique, bien souvent en déplacement au camp, pourraient peut-être nous
indiquer la suite qui fut donnée à la saisie de 80 kg de blé, d'une caisse de pâtes alimentaires et d'un
savon qui "s'échappaient" du camp pour une destination inconnue dans une petite voiture conduite par un
nomade, sous la haute protection du gérant du mess du camp lui-même. [...].
On trouve facilement l'explication de cette mauvaise gestion lorsque l'on connaît le passé des principaux
dirigeants de ce camp : le directeur est un ex-membre du Secours rouge ; fervent gaulliste, l'administration
du camp consiste, pour lui, à écouter Radio Londres. Le chef comptable, extrait d'un camp d'internés
espagnols rouges par les bons soins du directeur du camp de Jargeau, ex-gestionnaire de ce camp
espagnol, est interdit de séjour en Espagne, ainsi que sa femme qui est employée à l'administration du
camp. [...]."
En février 1944, le camp compte 204 nomades, 68 prostituées, 1 réfractaire au STO, 11 internés
administratifs, 2 étrangers et 17 indésirables. Lorsque le camp est définitivement fermé, le 31 décembre
1945, 105 nomades, 5 administratifs et 10 indésirables ont été libérés au cours de ce dernier mois.
Arles (Bouches-du-Rhône)
Le camp de Saliers
Ce camp de Saliers est le seul qui soit en même temps implanté dans la zone dite libre et réservé aux seuls
nomades. Francis Bertrand et Jacques Grandjonc, dans leur article paru dans Les camps de Provence, l'ont
étudié, et ces quelques renseignements sont empruntés à leur travail :
"[...] Vous découvrirez, enfouis sous les roseaux, quelques grands blocs de pierre ou de béton dont rien ne
vous dira au demeurant qu'il s'agit des vestiges du bâtiment administratif d'un "Camp de concentration"
pour nomades ouvert en juin 1942 par le gouvernement de Vichy. De ce camp, l'architecte officiellement
chargé d'en tracer les plans et d'en surveiller la construction écrivait en conclusion de son rapport du 8
octobre 1942 : "Avant tout, le camp de Saliers doit être un argument de propagande gouvernementale. Cet
argument a consisté à donner à un camp de concentration l'aspect d'un village et d'y permettre la vie
familiale et le respect des coutumes et croyances des internés". [...] une conférence interministérielle tenue le
15 mars 1942, à Vichy décide "de réaliser le regroupement en Haute-Camargue de certains nomades" [...]
l'opération porte "en premier lieu sur cinquante nomades actuellement hébergés à Rivesaltes".
[...] A qui douterait encore du caractère raciste de l'opération, qu'il suffise de préciser que dans les
premières semaines d'existence du camp, aucun Gitan étranger n'y fut interné, mais bien quelques
nomades des environs d'Arles, des gens du cirque et des gardians de Camargue, selon le principe de
l'administration nazie, "les nomades non gitans sont à classer comme Gitans".
[…] Une fois prise la décision de principe du 15 mars à Vichy, l'établissement du camp se fit rapidement,
puisqu'il était officiellement déclaré ouvert le 15 juin 1942. [...] des cabanes camarguaises qui devaient
s'harmoniser avec le paysage. Le tout destiné à "séduire les visiteurs et les passants" et "réfuter par le film
les allégations qui sont formulées actuellement à l'étranger contre les camps français".
[...] c'est seulement les 3 et 21 juillet qu'arrivent à Saliers, en provenance de Rivesaltes, les premiers
contingents de Gitans internés, entre 50 et 60 hommes au total qui, durant les cinq mois suivants,
travaillèrent précisément à la construction des cabanes.
En ce qui concerne le nombre des internés durant toute la période d'existence du camp, soit d'avril/mai
1942 à la fin d'août 1944, les "chiffres officiels" ne prennent en compte que les Gitans à partir de juillet
1942, et non les forains et les gardians occasionnellement internés au printemps avant l'ouverture officielle
du camp ; ils se présentent ainsi : sur la soixantaine d'hommes arrivés en juillet et qui ont, de ce fait,
construit le camp, 53 y étaient encore lorsqu'on leur adjoignit, le 27 novembre, un convoi de 299
personnes venant de Rivesaltes, pour la plupart femmes et enfants des premiers arrivés. S'il y avait des
célibataires adultes parmi eux, il n'est pas rare de voir des familles de 10 enfants. En décembre, le nombre
est de 380, soit 10 à 15 personnes par cabane de 4 m x 8 m environ, de ces cabanes conçues à l'origine
dans le pays pour abriter un homme seul et son cheval. En avril 1943, ce nombre est redescendu à 258 et
l'effectif atteint son niveau le plus bas le mois suivant avec 171 internés. En octobre ils sont 237, et 320 en
décembre, chiffre qui se maintiendra jusqu'à fin juillet 1944. [...]. Entièrement vidé des internés au 25 août,
le camp de Saliers fut officiellement fermé le 15 octobre par un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en
date du 12 [...]. Si on essaie de rendre compte, toujours selon les documents officiels de la totalité des
Gitans passés par Saliers et de la fluctuation des chiffres par catégorie, on arrive au total de 677 internés
pour une durée variable, allant de quelques semaines à deux ans pleins, dont 92 sont déclarés "mutés",
105 "rayés des contrôles", 27 "hors du camp", 200 "libérés" et 25 "décédés"."
TABLEAU RECAPITULATIF DE DIFFERENTS CAMPS ETUDIES
CREATION
NOMADES
ARRIVEE VOITURES EFFECTIFS FIN DESTINATIONS
MOISDON-LA-RIVIERE
(Loire-Inférieure)
(Les Forges)
7/11/40 11/11/40 oui
308 (01/41)
300 (12/41
27/02/41 Châteaubriant
Châteaubriant
(Loire-Inférieure)
(Choisel)
27/02/41 oui 357 (9/03/41) 22/07/41 Moisdon
MOISDON-LA-RIVIERE
(Loire-Inférieure.)
(Les Forges)
7/11/40 27/02/41 oui
221 (13/2/42)
257 (13/5/42)
13/05/42 Mulsanne
COUDRECIEUX
(Sarthe)
(La Pierre)
août 40 oui
118 (18/11/40)
370 (17/03/42)
15/04/42 Mulsanne
BARENTON
(Manche)
11/04/41 11/04/41 oui 36 (17/1/42) 8/10/42 Montreuil-Bellay
MULSANNE
(Sarthe)
15/04/42 15/04/42 non 877 (8/7/42) 3/08/42 Montreuil-Bellay
RENNES
(Ille-et-Vilaine)
2/11/40 2/11/40 oui
128 (17/12/40)
56 (5/08/42)
Fin 12/44
Moisdon
libérations
AVRILLE-LES-PONCEAUX
(Indre-et-Loire)
(La Morellerie)
30/11/40 30/11/40 non 273 (16/10/41) 8/11/41 Montreuil-Bellay
BORDEAUX
(Gironde)
(Mérignac)
Oct. 39 5/12/40 oui 105 (1/12/40) Poitiers
POITIERS
(Vienne)
(Route Limoges)
Oct. 39 5/12/40 oui
456 (05/42)
333 (01/43)
15 (11/44)
13/01/43
27/12/43
24/11/44
Allemagne
Montreuil-Bellay
Montreuil-Bellay
MONTREUIL-BELLAY
(Maine-et-Loire)
(de Méron)
8/11/41 8/11/41 non
1086 (08/42)
498 (12/01/45)
16/01/45
Jargeau
Angoulême
libérations
ARC-ET-SENANS
(Doubs)
Mars 43 non 200 (sep. 43) Sep. 43 Jargeau
JARGEAU
(Loiret)
5/03/41 5/04/41 non
606 (août 41)
105 (déc. 45)
31/12/45 Libérations
ARLES
(Bouches-du-Rhône)
(Saliers)
15/06/42 3/07/42 non 380 (déc. 42) 25/08/44 Libérations
D'autres camps...
Angoulême (Charente)
Le camp des Alliers
"Le 22 novembre 1940, les nomades circulant en Charente et Charente-Maritime sont dirigés sur le camp des Alliers à
Angoulême", écrit Marie-Christine Hubert dans Hommes & Migrations.
Le camp est situé à 4 km de la ville, dans la direction de Bordeaux. Denis Peschanski l'évoque dans Les Tsiganes en
France, 1939-1946.
"Le camp des Alliers [...] a été construit en septembre 1939 pour les réfugiés espagnols. Au moment de l'exode, il a été
utilisé comme centre (l'accueil, recevant plus de 1.000 réfugiés français, belges et espagnols. C'est donc sur l'ordre des
Allemands que le 22 novembre 1940, il devient camp d'internement pour les nomades de Charente et de Charente-
Maritime. Là, le terrain appartient à M. L., entrepreneur de travaux publics, et il a été loué par le département de la
Charente pour une durée de neuf années, à compter de juillet 1939.
Dans un rapport du 12 décembre 194l, l'Inspection générale des camps alerte l'Intérieur : "Le camp se compose de
onze baraquements en bois dont sept sont partiellement occupés. La plupart sont dans un état de délabrement extrême
et ne peuvent constituer, même pour des nomades, qu'un abri absolument insuffisant." [...]
Réparties de part et d'autre d'une allée centrale, ces baraques sont couvertes en carton bitumé en très mauvais état. En
outre, une difficulté se pose, qu'on retrouve ailleurs : les nomades arrivent pour certains avec leurs roulottes et, soit rien
n'était prévu, soit, à l'inverse, on comptait sur cet habitat complémentaire, et dans tous les cas les problèmes
surgissaient et l'inadaptation était criante. Aux Alliers, certains sont donc venus avec leurs roulottes, souvent plus
vétustes encore que les baraques. Elles "furent démolies par leurs propriétaires. Ils s'installèrent alors dans les baraques
et quelques-uns réussirent le tour de force d'y faire entrer leur roulotte : ceux-là se sont organisé une vie à part. Ce fut
une vraie cour des miracles."
Un rapport de même origine, daté du 2 septembre 1942, signale d'importantes améliorations. [...]. On apprend ainsi
que quelques baraques délabrées ont été détruites, et le matériau utilisé pour doubler les parties extérieures de six
autres, les seules utilisées, et pour les diviser en logements individuels. "Pour les toitures, la situation n'est pas aussi
satisfaisante, une seule baraque a pu être recouverte en éverite, les autres continuant à être recouvertes avec du papier
goudronné prélevé sur les toitures de baraques démolies. Mais c'est insuffisant."
Arc-et-Senans (Doubs)
"En juin 1941, les anciennes Salines royales d'Arc-et-Senans accueillent les nomades du Doubs, puis des départements
de la Côte-d'Or, de la Haute-Marne, de la Saône-et-Loire, du Jura et de l'Ain occupés. Le 11 septembre 1943, les 168
nomades encore internés sont transférés à Jargeau", écrit Marie-Christine Hubert dans Hommes et Migrations.
Denis Peschanski évoque aussi Arc-et-Senans dans son ouvrage :
"Le camp d'Arc-et-Senans est postérieur [à celui de Jargeau] puisque ouvert en mars 1942, mais il a, dès l'origine, un
recrutement interrégional. Il doit héberger les nomades du Doubs, de la Haute-Saône, du Territoire de Belfort, du Jura
occupé et de l'Ain occupé, puis, de facto, ceux des Vosges et de Meurthe-et-Moselle. Quand le camp de Peigney ferme
en janvier 1943, s'y ajoutent ceux de la Haute-Marne et de la Côte-d'Or. La faiblesse des effectifs est une première
caractéristique [...] puisqu'il ne s'y trouve jamais plus de 200 internés avant le transfert à Jargeau en septembre 1943.
Mais l'originalité tient également au site puisque le camp est installé dans la propriété des anciennes salines royales,
sur 25 ha, soit dix fois plus que Jargeau. Les familles sont logées dans sept pavillons différents, l'infirmerie, l'assistante
sociale et le bureau du chef du camp se retrouvant dans un autre."
Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales)
Relisons Denis Peschanski :
"Ainsi, un rapport de la Croix-Rouge internationale en date de novembre 1940 précisait, à l'issue d'une visite de son
représentant, Alec Cramer, que sur les 12.046 internés d'Argelès, se trouvaient "382 nomades d'origine française,
presque tous marchands ambulants, qui se trouvaient en Alsace et ont été refoulés par les Autorités allemandes"."
Marie-Christine Hubert cite également ce camp dans Hommes & Migrations :
"On retrouve des Tsiganes originaires d'Alsace-Lorraine [expulsés par les Allemands en septembre et octobre 1940]
dans toute la France. Environ 600 d'entre eux sont internés dans des camps en zone "libre" dès décembre 1940, tout
d'abord à Argelès-sur-Mer, avant d'être transférés au Barcarès et à Rivesaltes dans les Pyrénées-Orientales. En
novembre 1942, ils sont tous internés au camp de Saliers, dans les Bouches-du-Rhône."
Compiègne (Oise)
Ce camp n'est pas exactement un camp dans lequel sont internés des Tsiganes, mais plutôt un camp de transit dans
lequel séjournent quelques jours ceux que Poitiers envoie en Allemagne dans le cadre du STO. D'ailleurs, Sabine
Peiffert et Laurent Jouin, qui publient dans Les Annales compiégnoises, ne parlent pas du tout de la présence de
nomades :
"[...] Un appareil d'Etat tout entier qui, bien qu'hérité sans grand changement du régime précédent, se plia sans
scrupules à l'arrestation puis à la déportation de ceux que Vichy et l'occupant s'entendaient à poursuivre : Juifs,
étrangers, francs-maçons et communistes.
[…] Dans ce faubourg du sud de Compiègne où, en 1153, la reine Adélaïde, veuve de Louis VI, fit construire une
maison royale (d'où le nom de royal-Lieu), les nazis ont installé un camp d'internement qui, de juin 1941 à août 1944,
fut "le troisième par ordre d'importance des camps (contrôlés) par les autorités allemandes en France pendant la
Seconde Guerre mondiale, après le camp de Struthof et celui d'internement de Drancy".
[…] De 1941 à 1944, Royallieu reçoit donc des internés venus de toute la France, de toutes les prisons, de tous les
camps d'internement français : 53.785 personnes au total de juin 1941 à août 1944. Les résistants sont les plus
nombreux (58, 6 % des déportés), suivis par les politiques (12, 6 %), les déportés (11, 5 %), les droits communs (87,
8 %), les otages pris dans les rafles (8, 5 %). [...] Sur les 139.000 déportés ayant quitté le sol de France pour les camps
nazis, 49.860 partirent de Compiègne."
Caray (Finistère)
"Du 1er novembre 1940 au 1er décembre 1941, les nomades du Finistère sont logés au camp de Coray, dans un ancien
cinéma. Ils ne sont pas nourris par l'administration", écrit Marie-Christine Hubert dans Hommes & Migrations.
Corlay (Côtes-du-Nord)
"Certains [internés du camp de Coudrecieux] proviennent de la zone côtière et, par la suite, des camps de Corlay et de
Plénée-Jugon (Côtes-du-Nord)", écrit André Piogé dans son ouvrage.
Mais n'y a-t-il pas ici confusion avec le camp de Coray, dans le Finistère ? André Piogé est le seul à citer ce bourg des
Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes-d'Armor.
Fanlac (Dordogne)
Le camp du Sablou
Cinq musiciens tsiganes au camp du Sablou.
(Archives Suzanne Quéré)
En 1992, Madeleine Quéré, responsable
de l'Association du Souvenir du camp du
Sablou, m'a adressé un courrier auquel
était jointe une photographie d'un groupe
d'internés de ce camp. Cinq musiciens
tsiganes figurent parmi ceux-ci. Elle pense
que quelques Tsiganes y ont été aussi
internés au cours des premiers mois. "Cette photo vient de me parvenir, transmise par la famille d'un cheminot de
Saintes, interné dans ce camp. Le témoignage d'un autre cheminot note que des nomades étaient internés, et que leurs
familles stationnaient dans leurs roulottes cachées dans les bois environnants. D'autres écrivent qu'ils leur offrirent à
tresser des paniers, qu'ils jouaient du violon et participaient aux soirées de divertissement. Je n'ai trouvé aucun nom sur
les listes que j'ai pu relever." Le camp est ouvert du 17 janvier au 31 décembre 1940, dans le château du Sablou.
Fort-Barraux (Isère)
Le fort, construit à la fin du XVIe siècle, domine la rive droite de l'Isère à l'entrée de la vallée du Grésivaudan.
Abandonné militairement depuis l'invasion autrichienne de 1814, il retrouve une activité dans l'entre-deux-guerres,
transformé en dépôt de munitions et en camp d'entraînement pour les périodes des réservistes.
Le 24 juillet 1940, il devient Centre de Séjour Surveillé et accueille des "indésirables français".
Le site comprend le fort proprement dit, délimité par une ligne de remparts bordée par des fossés larges et profonds,
soit huit bâtiments vétustes, et des terrains loués en 1940 par voie d'adjudication à des cultivateurs.
Automne 1940, le fort enferme d'abord 714 individus accusés de "communisme", "syndicalisme" et "défaitisme", puis,
jusqu'à fin 1942, d'autres catégories d'internés : "droit commun", délinquants économiques, Juifs étrangers...
L'ouvrage édité par l'Université de Saint-Etienne évoque ensuite l'arrivée de vagabonds qui peuvent être les nomades
dont parlent par ailleurs Francis Bertrand et Jacques Grandjonc :
"[...] Fort-Barraux accueillit un fort contingent d'internés provenant de Sisteron le 19 novembre [1942], de Saint-
Sulpice le 21. Désormais le camp allait avoir une population pénale très homogène de "droit commun" (classés en
"gens du milieu et repris de justice" et "vagabonds et clochards") et de délinquants économiques."
Si l'effectif atteint environ 850 internés en mai 1943, aucune évaluation n'est donnée pour les nomades qui sont donc
ensuite transférés dans le camp de Saliers. Fin 1943, 210 autres internés partent travailler pour l'organisation Todt et,
le 22 juin 1944, tous ceux qui restent à Fort-Barraux sont déportés en Allemagne.
Gurs (Basses-Pyrénées)
"En mai 1940, un groupe d'internés est "constitué de plusieurs tribus de Gitans originaires des Balkans, écrit Claude
Laharie dans son ouvrage Le camp de Gurs, p. 145 ; le jour de leur internement, les femmes font un vacarme
épouvantable, pleurant non seulement, perpétuelles voyageuses, la perte de leur liberté, mais aussi leur "rom", chef et
protecteur de la famille."
Le camp de Gurs en 1939. (DR)
Le 9 avril 1944, le camp de Gurs, vide depuis plus de
sept mois, reçoit deux familles de Tsiganes français, soit
26 personnes, précédemment internés dans le camp de
Saliers.
Citons Claude Laharie :
"Le 27 juin, la confusion se transforme en panique lorsque les troupes allemandes, parties en campagne au Bager
d'Oloron contre les maquis d'Oloron et de l'Hôpital-Saint-Blaise, pénètrent dans le camp. En quelques minutes, la
plupart des occupants du centre, agents, gardiens et internés [les Tsiganes, des passagers clandestins de la frontière
espagnoles, des femmes "politiques", "droit commun" et des prostituées], saisis de terreur, disparaissent dans les bois
environnants. Tous, ou presque, reviendront à la fin de la journée. [...]. Les internés ne restent dans leur îlot que parce
qu'ils le veulent bien ou qu'ils ne savent où aller. [...]. Les mois de juillet et d'août s'égrènent dans la confusion, chacun
se rendant compte que les "terroristes" du moment seront demain les véritables maîtres. 27 personnes, 19 nomades
français et 8 étrangers sont encore conduits à l'îlot J en juillet, mais on ne sait plus rien d'eux : au secrétariat du
premier quartier, on ne remplit plus de fiches, on ne constitue plus de dossiers."
Ils sont encore 55 Tsiganes dans le camp de Gurs le 25 août 1944. Claude Laharie ne dit pas ce qu'ils deviennent par
la suite, alors qu'arrivent des soldats allemands, des Espagnols et des collaborateurs.
Le Barcarès (Pyrénées-Orientales)
Voir les camps de Saliers (Arles) et d’Argelès-sur-Mer.
Linas-Montléry (Seine-et-Oise)
Denis Peschanski évoque le camp de Montléry dans son ouvrage :
"Le camp a été installé en quelques heures, le 27 novembre 1940, pour les quelque 200 nomades refoulés de Seine-
Inférieure par les Allemands. Ces nomades avaient dû abandonner roulottes et chevaux à Darnétal. Ils se retrouvent à
occuper une partie de l'autodrome de Montléry. [...] Le camp consiste dans des baraquements non terminés avec sol en
pierre, sans chauffage, avec sanitaires insuffisants et sans clôture extérieure."
Christian Bernadac, cite une lettre adressée de ce camp au Consul général belge à Paris par neuf chefs de familles
tsiganes :
"Nous vous envoyons cette lettre pour vous faire savoir que pendant l'exode nous avons évacué, et nous sommes partis
en France quelques mois, et nous retournions en Belgique quand nous avons été pris par les Français et mis dans un
camp. Nous sommes des sujets belges et nous n'avons jamais quitté la Belgique où nos enfants et nous-mêmes nous
sommes nés... Ayez la bonté, Monsieur, de bien vouloir vous occuper de nous, et nous faire rapatrier le plus vite
possible, car depuis un an, nous sommes enfermés et nous souffrons la pire des misères."
Le 21 avril 1942, ils sont 201 nomades de Montléry à être transférés dans le camp de Mulsanne : 45 hommes, 35
femmes 20 jeunes gens, 101 enfants de moins de 16 ans.
Mérignac (Gironde)
Le camp de Beau-Désert
Fin de l'été 1940, les Allemands refoulent vers l'intérieur des terres les nomades et les indésirables de la côte atlantique.
Ils sont 105 sur la liste dressée le 1er décembre à Beau-Désert.
"Il se rend alors en Gironde ou il est embauché aux chantiers ruraux du Lilet. Fin août 1941, demandant à la préfecture
de Bordeaux de retourner à Poitiers pour récupérer ses vêtements, il est interné dans le camp de Mérignac, puis
transféré dans celui de La Lande à Monts (Indre-et-Loire), puis dans celui de la Morellerie à Avrillé-les-Ponceaux[...]."
(Extrait d'un rapport conservé aux Archives départementales du Maine-et-Loire).
Moloy (Côte-d'Or)
"[...] le camp de Moloy qui ne comprenait que deux baraques, deux blocks, abritant cinquante à soixante Tsiganes",
écrit encore Christian Bernadac.
Monts (Indre-et-Loire)
Le camp de La Lande
Le camp de Monts, d'une superficie de 3 hectares, est établi en 1939 par l'administration militaire française en vue
d'héberger le personnel supplémentaire employé à la Poudrerie Nationale du Ripault pour en augmenter la production
de poudre. Il est composé de 26 bâtiments en dur, couverts d'ardoises, la partie centrale de chacun formant dortoir.
Certains sont affectés à l'usage de bureaux, magasins, cuisines. Le camp est vide en juin 40. Le 5 décembre, il reçoit le
produit des rafles que les Allemands opèrent sur les routes et dans les villes de l'Ouest. Le 1er décembre 1941, il est
entouré de barbelés récupérés au camp de la Morellerie qui vient d'envoyer ses internés à Montreuil-Bellay.
Le camp de La Lande est définitivement abandonné en janvier-février 1944, ses derniers occupants étant transférés
dans celui de Poitiers.
Dans leur étude de ce camp, lorsqu'ils rapportent les effectifs, Sophie Paisot-Béal et Roger Prévost, ne parlent jamais de
nomades, ce camp étant surtout réservé aux Juifs. Ils citent bien 7 "divers", le 31 juillet 1942, mais sans plus de
précisions. Autrement, ils notent plusieurs fois 0 "indésirable", catégorie dans laquelle sont souvent placés les Tsiganes.
L'interné dont parle le rapport ci-dessus est sans doute envoyé par erreur à Monts, d'où son transfert, par la suite, à La
Morellerie.
Montsireigne (Vendée)
"II est arrêté à Mortagne-sur-Sèvre (Vendée), au cours de la première quinzaine de novembre 1940 par la
gendarmerie, parce que rémouleur ambulant, et conduit au camp de Montsireigne (Vendée)." (Extrait d'un rapport
conservé aux Archives départementales du Maine-et-Loire).
Nexon (Haute-Vienne)
Des "politiques" du camp de Gurs (Basses-Pyrénées), sont transférés à Nexon les 30 et 31 décembre 1940. 245 Juifs
quittent Nexon pour Gurs fin février 1941. En février 1943, des Juifs polonais sont transférés de Nexon à Gurs.
Peigney (Haute-Marne)
"En Haute Marne, les nomades sont logés dans un fort désaffecté à Peigney où il n'y a ni portes, ni fenêtres, ni eau
courante", écrit Marie-Christine Hubert dans Hommes & Migrations.
Plénée-Jugon (Côtes-du-Nord)
"Certains [internés du camp de Coudrecieux] proviennent de la zone côtière et, par la suite, des camps de Corlay et de
Plénée-Jugon (Côtes-du-Nord)", écrit André Piogé dans son ouvrage.
"40 nomades sont rassemblés à Plénée-Jugon, en attendant leur transfert", précise Marie-Christine Hubert dans
Hommes & Migrations.
Pontivy (Morbihan)
Le camp de Toulboubou
"Le 14 octobre 1940, les nomades du Morbihan sont regroupés dans un château désaffecté à Pontivy, avant d'être
transférés un mois plus tard à Moisdon-la-Rivière", écrit Marie-Christine Hubert dans Hommes & Migrations.
L'archiviste de la mairie de Pontivy n'a jamais eu connaissance d'un château au lieu-dit Toulboubou. Le site de
Toulboubou est occupé aujourd'hui par un complexe sportif.
Rivesaltes (Pyrénées-Orientales)
Voir les camps de Saliers (Arles) et d’Argelès-sur-Mer.
Saint-Jean-Pied-de-Port (Basses-Pyrénées)
Donald Kenrick et Grattan Puxon évoquent ce camp dans Destins gitans :
"Paul Weiss faisait partie des internés de Saint-Jean-Pied-de-Port parce qu'il ne s'était pas conformé à l'obligation de
résidence qu'impliquait ce système."
Saint-Maurice-aux-Riches-Hommes (Yonne)
Pour ce camp, on peut se reporter à l’étude qu’en a faite Marie-Christine Hubert dans la revue Etudes
Tsiganes n°2/1995, vol 6, p. 197. Je n’en reprends ici que quelques lignes du premier paragraphe :
"Ouvert en juin 1941, il ferma ses portes en 1945. Ce fut le seul camp de la zone occupée qui vécut cinq années
en totale autarcie. Saint-Maurice ne fut pas touché par la réorganisation des camps d’internement pour nomades
décidée par les Allemands en novembre 1941."
*
* *
Donald Kenrick et Grattan Puxon, dans leur ouvrage, écrivent qu'il y avait trois camps spéciaux pour les enfants gitans,
à Pithiviers et à Saint-Fargeau, ainsi qu'à l'intérieur d'un grand camp à Jargeau, près d'Orléans, mais rien ni personne
ne confirme leur dire pour les deux premiers camps cités. J’ai parlé de Jargeau.
*
* *
Bibliographie des ouvrages et articles cités :
Bernadac Christian. L’Holocauste oublié. France Empire, 1979
Dolo Arlette. Du rejet séculaire au camp d’internement : le camp de nomades de la rue le Guen de
Kérangal à Rennes 1939-1945. Mémoire de fin d’études, 1986.
Hubert Marie-Christine. 1940-1946. L’Internement des Tsiganes en France, in Hommes et Migrations,
n°1188-1189, juin-juillet 1995.
Kenrick Donald et Puxon Grattan. Destins gitans. Gallimard, 1995.
Laharie Claude. Le camp de Gurs, 1939-1945, un aspect méconnu de l’histoire du Béarn, à compte
d’auteur, 1985.
Lévy Paul. Un camp de concentration français : Poitiers 1939-1945 . SEDES, 1995.
Piffert Sabine et Jouin Laurent, Le camp d’internement de Compiègne in Annales historiques compiégnoises,
n° 61-62, automne 1995.
Pechanski Denis. Les Tsiganes en France, 1939-1946 . CNRS, 1994.
Piogé André. Le Mans et la Sarthe pendant la Seconde Guerre mondiale, extrait de la revue La Province du
Maine, 1976.
Sigot Jacques. Un camp pour les Tsiganes et les autres, Montreuil-Bellay 1940-1945. Wallâda ,1983.
Ouvrage réédité et complété en 1994 sous le titre : Ces barbelés oubliés par l’histoire. Wallâda
Verity Hugh. Nous atterrissions de nuit. France Empire
(Bibliographie complète dans la revue Etudes Tsiganes n°2/1995, vol 6, p. 223).


L'indifférence collective au sort des Tsiganes internés dans les camps français, 1940-1946
par Emmanuel Filhol
Durant la Seconde Guerre mondiale, l'internement des Tsiganes en France se déroula dans l'indifférence générale. On aurait pu penser, grâce à la recherche entreprise depuis les années soixante-quinze sur le régime de Vichy, que le sort réservé aux Tsiganes français ne demeure plus un drame ignoré.
Il n'en est rien.


Collection J. Sigot
A l'inverse des communautés tsiganes, qui gardent en mémoire cette période tragique, où l'âme d'un peuple s'est fracturée, la mémoire collective,
telle qu'elle émane des pouvoirs publics, de l'opinion courante, ou du discours historique dominant, témoigne aujourd'hui encore, à quelques exceptions près, d'un refus de savoir. [Lire l'intégralité de l'article]

Texte paru dans Guerres mondiales et conflits contemporains. Revue d'Histoire, Février-Avril 2007, n°266, p. 69-82.

La catégorie juridique "Nomade" dans la loi de 1912
Par Christophe Delclitte
Revue Hommes et Migrations, n°1188-1189, juin-juillet 1995
La loi du 16 juillet 1912 sur l'exercice des professions ambulantes et la réglementation de la circulation des nomades est un élément essentiel de compréhension de la continuité des traitements législatifs, administratifs et policiers des Tsiganes en France au cours de ce siècle. En vigueur jusqu'en 1969, elle a régi la vie des nomades et les a relégués dans une position de citoyens de seconde zone tenus de faire viser, à chacun de leurs déplacements, des papiers spécifiques portant leur signalement anthropométrique. Abrogée en 1969, elle fut remplacée par une loi, toujours en vigueur, qui ne constitue qu'un assouplissement des dispositions antérieures.

Collection F. Reille, 1912
La législation élaborée au début du siècle fut aussi le cadre juridique de l'internement des Tsiganes en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Le décret-loi du 6 avril 1940 interdit "la circulation des nomades sur la totalité du territoire métropolitain", au titre que leurs incessants déplacements peuvent constituer pour la défense nationale un danger très sérieux.



Sont assignés à résidence, puis internés les "individus errants, généralement sans domicile, ni patrie, ni profession effective (...) qu'il ne faut pas confondre avec les forains...", en d'autres termes les nomades, c'est-à-dire, édicte le décret-loi, "toutes les personnes réputées telles dans les conditions prévues par l'article 3 de la loi de 1912".
Ainsi, les catégories sans cesse mobilisées de la fin de la Troisième République à la veille de la Quatrième sont celles de la loi de 1912. Au-delà des éléments de conjoncture, l'historicité de catégorisations et de pratiques, la préexistence d'un système d'ordre, expliquent que le relais s'opère sans solution de continuité entre la république finissante et le régime de Vichy, et que le sort inique fait aux Tsiganes perdure un temps après la Libération, dans l'indifférence générale. [Lire l'intégralité de l'article]


"Nous vivions à Gien où nous nous étions fixés depuis une trentaine d'années. Nous logions dans quatre caravanes. Un après-midi, des gendarmes sont venus nous dire que nous devions nous rendre à Orléans, le lendemain, pour un simple recensement. Le pépé, en colère, nous a répété, le soir, qu'il ne partirait jamais si nous étions encadrés par des gendarmes. Le lendemain matin, après avoir rassemblé nos affaires, nous avons pris la route. Nous avons commencé à être inquiets quand nous avons vu des gendarmes aux croisements, ce qui nous interdisait de prendre une autre direction que celle d'Orléans.
A Tigy, on nous a demandé de laisser les caravanes et les chevaux dans un pré, et l'on nous a fait monter dans des camions à bestiaux. Nous nous sommes retrouvés dans le camp de Jargeau. C'était en 1941, et j'avais 9 ans. Nous y sommes restés dix-huit mois. Quand nous sommes retournés à Tigy pour retrouver nos caravanes, tout était saccagé, inutilisable."
(Témoignage d'Augustine Gaippe, de Jargeau, recueilli par J.Sigot, Etudes Tsiganes, vol 6, n°2/ 1995 p 68)



Le camp de Jargeau - collection Cercil
"Nous nous trouvions du côté de Quimper, dans le Finistère, où nous nous étions à demi sédentarisés dès que nous avions appris les premières arrestations. Nous avions loué une maison que nous occupions à sept : ma grand-mère, mon père et ma mère, mon frère et les deux soeurs. Mes parents étaient journaliers. J'avais alors une douzaine d'années. Un matin, de bonne heure, des gendarmes ont fait irruption chez nous et nous nous sommes aperçus presque aussitôt que plusieurs autres encerclaient la maison. Ils étaient arrivés en fourgonnette. On nous a demandé de rassembler des affaires personnelles et on nous a laissé un peu de temps pour que nous puissions préparer notre départ. Les gendarmes, méfiants, nous suivaient dans chaque pièce. La mamie avait réussi à se cacher dès l'alerte, et personne ne songea à la chercher ; ce qui prouve qu'ils n'avaient pas de liste et qu'ils devaient se contenter d'appréhender tous ceux qu'ils trouvaient. Nous avons vu aussi que les dénonciations, anonymes ou non, sont à l'origine d'arrestations. Que les nomades gênent, cela suffit donc souvent, et souvent exclusivement, à justifier leur internement." (Témoignage de Jean Richard, recueilli par Jacques Sigot, Etudes Tsiganes vol 6, n°2/1995 p 74)
"Nous étions à Moulins, dans l'Allier, lorsque nous avons été arrêtés la première fois. Ils nous ont alors assignés à résidence en Corrèze. A l'époque, nous avions des roulottes avec des chevaux. Et puis un jour, ils sont venus nous chercher et nous ont mis dans les camps de concentration. On a dû laisser nos roulottes et nos chevaux là-bas et on ne les a jamais récupérés. Ils nous ont pas expliqué pourquoi on allait dans ces camps. Ils nous ont d'abord emmenés à Rivesaltes. Il y avait toute ma famille - les Schaenotz et les Demetrio - qui étaient dans ce camp. Nous sommes restés quelques mois dans celui-ci et puis, avec quelques uns, nous nous sommes échappés. Nous sommes partis à Valence dans l'Ardèche. Ma grand-mère, quant à elle, est restée à Rivesaltes. Elle y décédera peu de temps après. Au bout de trois ou quatre mois, la gendarmerie nous a retrouvés et nous a emmenés au camp de Gurs. Nous sommes restés presque un an dans ce camp. Il y avait beaucoup de juifs. C'était un camp qui était très dur. Après, nous avons été au camp de Noé pendant un mois et nous avons été conduits au camp de Saliers. C'était un camp pour les nomades. Nous étions une quinzaine dans la même maison. Nous dormions les uns sur les autres. Il n 'y avait rien à manger. Heureusement que j'avais un oncle - Yoska Gorgan - qui habitait Maurs et qui nous envoyait des colis de temps en temps. Beaucoup de gens étaient malades. Il y avait plein de moustiques dans ce camp. C'était insupportable. Alors pour faire partir les moustiques on faisait des feux dans les cabanes. Mais à cause de ces feux, on prenait des maladies de peau. Mon père allait travailler dans une ferme à l'extérieur du camp. Mais normalement on n 'avait pas le droit de sortir. Le camp n'était pas très bien gardé et ce n'était pas très difficile de pouvoir s'en échapper. Seulement même si on partait, on était repris à quelques kilomètres. J'ai deux frères qui ont quand même réussi à s'enfuir. Ils sont partis dans le Cantal retrouver mon oncle. Mais là-bas, les Allemands sont venus pour faire une rafle. Mes deux frères ont été déportés en Allemagne. Seul Pierre est revenu vivant. Nous, on est resté au camp de Saliers jusqu'à la fin, quand celui-ci a été bombardé. Nous sommes rentrés à Maurs à pied. Le retour a duré plus d'un mois. On a vu beaucoup de morts sur la route. C'est quand on est arrivé à Maurs qu'on a appris qu'une partie de la famille avait été déportée en Allemagne. On a revu mon frère longtemps après". (Témoignage de Roger Demetrio, recueilli par Mathieu Pernot, Etudes Tsiganes, n° 13, 1999 p.151)
"On a souffert aussi à Jargeau. Par contre, on ne voyait pas les Allemands, le camp était gardé par les Français.
"Je me souviens quand même d'une fois où j'ai vu les Allemands qui sont venus jouer avec nous. Ils avaient enduit un poteau de mélasse, et au sommet ils avaient déposé une pièce de monnaie. Il fallait grimper au poteau et attraper la pièce uniquement avec les dents. C'était trop difficile, ça glissait et ça collait, on y arrivait rarement et on disputait notre tour. Les Allemands eux, ils rigolaient bien ! " On allait aussi à l'école. La nourriture était la même, de la soupe, toujours de la soupe, on n'a jamais mangé un seul morceau de viande. Un jour que nous avions faim et qu'on cherchait avec d'autres gamins une nourriture quelconque, on avait remarqué un gardien qui mangeait une pomme devant nous. Il a jeté le trognon à terre et on s'est jeté dessus. Le lendemain, il est revenu avec une pomme, après l'avoir mangée, il a écrasé le trognon sous son pied. Cela m'a marquée et c'est resté dans ma mémoire.
" L'hiver on avait froid, on avait des lits superposés en bois. Il y avait un poêle par baraque, mais sans bois. On crevait de froid, alors mon père a cassé les lits pour nous faire du feu, mais après on dormait par terre, et comme mon père était nommé chef de baraque, il a dû sûrement y avoir des représailles."
(Témoignage de Mme Félix, née Chandello, recueilli par E Filhol, Etudes Tsiganes n°13, 1999 p.58)

"En 1942, je me souviens plus des dates, ni qui en a donné l'ordre, nous avons pris à notre service environ 15 personnes retenues à la Saline Royale. Je me souviens de certains noms : Chandello, Remetter, Winterstein, Reinhart...
Amenés par des gendarmes, ces nomades étaient gardés avec toute leur famille, par des douaniers. Ils étaient " parqués ", c'est le mot, dans des pavillons jouxtant les grands bâtiments. La Saline Royale, propriété, à l'époque, des Beaux-Arts, était abandonnée, les abords des bâtiments étaient en friche.
Les pavillons aux grandes pièces, froides et sales, avaient les carreaux des fenêtres cassés. C'était le domaine des chouettes et des rats. Pas de chauffage. Nous leur avons apporté quelques vieux poêles fumants. En guise de lit, un tapis de paille et quelques couvertures pour toutes les nombreuses familles avec des enfants en bas âge et des à peine plus âgés pourtant " pleins de vie ", malgré la précarité. L'eau à une seule fontaine dans la cour. Pas de toilettes... les buissons des friches proches servant de cabinet d'aisance. Chaque matin, à 6 h l'été et à 7 h 30 l'hiver, sous la surveillance des douaniers, j'allais chercher nos bûcherons dans leurs bâtiments. Un certain douanier refusait de m'accompagner... il avait peur des puces... ou autre vermine. On trouvait pourtant normal de loger ainsi des êtres humains."
(Témoignage de Mr Prétot, exploitant forestier en forêt de Chaux, recueilli par E. Filhol, Etudes Tsiganes n°13, 1999 p.63)
Sur les conditions matérielles du camp de Moisdon :
Si quelques familles, parmi les mieux, sont réunies dans une pièce avec quelques paillasses pour s'étendre le soir venu, toutes les autres sont parquées comme des bêtes dans deux grands baraquements de bois, repoussants de saleté, où jamais ne pénètrent ni le soleil, ni l'air. Dans cet immense taudis aussi sombre à midi que le soir, vivent des êtres humains. Deux ou trois caisses contenant chacune une paillasse et quelques lambeaux de couverture, sont superposées les unes au-dessus des autres pour abriter une famille entière.
Les cheveux en broussailles, la figure et les mains noires, les pieds nus sur le sol boueux, le corps recouvert de quelques haillons, de pauvres enfants, innocentes victimes, s'étiolent dans cette atmosphère de vice et de saleté.
Autour du poêle allumé, se pressent les plus vieux, les malades, les plus petits. Une jeune femme tuberculeuse, de retour de sana, entourée de ses petits, réchauffe ses membres douloureux et nus, et sème la contagion. Cette description du camp ne traduit pas la compassion qu'en ressent le visiteur. Une première solution s'impose d'urgence : envoyer vêtements et linge.
(rapport de l'assistante sociale principale, Nantes, le 8 novembre 1941, cité par J. Sigot, Etudes Tsiganes vol6, n°2/1995 p 156)
Monseigneur,
Dans un cas absolument exceptionnel, j'ai recours à votre bon coeur en faveur d'environ 300 malheureux nomades français qui viennent d'arriver sur ma paroisse, dans le camp de Méron-Montreuil, et qui se trouvent dans un état absolument lamentable. Parmi eux, il y a plus de soixante enfants qui grelottent dans leurs haillons, plusieurs sont pieds nus ; dix-huit femmes, m'assure-t-on, sont enceintes. Or, rien n'était, et n'est encore prêt pour les recevoir : ni literie, ni linge, ni bois de chauffage, ni cabinets. La nourriture est très déficiente, et pourtant, les légumes ne manquent pas dans le pays. Ils couchent sur la paille, sans couverture.
(Lettre adressée à son évêque le 21 novembre 1941 par François Jollec, curé de Méron, citée par J. Sigot, Etudes Tsiganes, vol 6, n°2/1995 p 32)
"Le dimanche, j'prenais ma fille sur le porte-bagages de mon vélo et on allait jusqu'au camp. Ils étaient ni plus ni moins qu'des bêtes derrière leur grillage. On leur lançait du pain ; c'est qu'ils avaient faim." (Témoignage de Marinette Maria rapportant des paroles d'une Montreuillaise qui préfère garder l'anonymat, cité par J. Sigot, Etudes Tsiganes, vol 6, n°2/ 1995 p 170)

"Les Allemands nous ont pris à Meysse dans l'Ardèche. Les gendarmes sont venus nous chercher dans notre maison. Ils nous ont dit qu'ils nous mèneraient dans un pays où nous aurions des maisons et dans lequel nous serions bien nourris. Alors, nous sommes allés au camp de Barcarès, puis à celui de Rivesaltes. Nous sommes presque restés six mois dans ce camp. Nous étions mélangés avec d'autres personnes qui n'étaient pas gitanes. Et puis un jour, ils ont pris des hommes de chez nous pour les emmener à Saliers pour qu 'ils y construisent les maisons. Parmi eux, se trouvaient mon père et mes deux frères. Au bout d'un certain temps, comme on ne les avait pas vus depuis longtemps et qu'on se faisait du souci pour eux, je me suis échappée du camp de Rivesaltes avec ma mère pour aller les voir. Nous avons pris le train jusqu 'à Nîmes et sommes allées à Saliers. Nous sommes restées une nuit dans ce camp avec mon père et lorsque le chef du camp nous a trouvées le matin, il nous a obligées à repartir à Rivesaltes.
"Et puis, quelques mois après, lorsque le camp de Saliers était construit, on est venu nous chercher et avec des camions on nous a emmenés à la gare. Monsieur Pelet, le directeur du camp, nous a accueillis et nous avons pu retrouver notre papa et nos deux frères. Chaque famille était regroupée dans les petites maisons en chaume. Nous étions treize de la famille dans la baraque 25. Par la suite mes frères ont été mis au travail obligatoire au camp d'Istres. Mon père, ma pauvre sœur et ma tante travaillaient en cuisine, avec Monsieur Sevolli qui était le cuisinier et qui venait de Saint-Gilles. Moi, je devais faire le service pour les gardiens, les infirmières et le commandant du camp. Cela faisait plus de trois tables à faire pour chaque repas. Nous étions des misérables dans ce camp. On mangeait des épinards pleins de terre et une fois, on a même trouvé un rat dedans. Je me souviens qu 'un jour nous sommes allés dans un restaurant à Saint-Gilles où les Allemands allaient habituellement manger, pour y récupérer des épluchures de pommes de terre. Mais quand ils nous ont vus, ils ont fait exprès de marcher sur ces épluchures pour que nous ne puissions pas en manger. Nous étions traités comme des chiens là-dedans. Ma petite sœur Antoinette est morte dans le camp, elle avait neuf ans. Un de mes frères est également mort peu de temps après les camps tellement il y avait été mal traité. (…) "
(Témoignage de Germaine Campos recueilli par Mathieu Pernot, Etudes Tsiganes, n°13, 1999, p.153)

Contrairement à ce qui se passa dans d'autres territoires occupés les Allemands ne donnèrent jamais l'ordre de déporter les Tsiganes internés en France. Il n'y eut donc pas de déportations de masse, mais des Tsiganes ont bien été déportés individuellement pour d'autres motifs.
Parmi les Tsiganes recensés à Auschwitz, 145 français ont pu être identifiés, tous arrivés au camp par le convoi Z de janvier 1944. Des arrestations massives sur ordre d'Himmler ont eu lieu à partir d'octobre 1943 en Belgique et dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais (ces deux départements étant rattachés au commandement militaire de la Belgique).
Des familles entières furent raflées puis conduites à la caserne Dossin à Malines en Belgique d'où elles furent déportées vers Auschwitz.
"On avait des caravanes et des chevaux, ils sont venus nous ramasser avec des camions. Ils nous ont mis dedans et nous ont amenés dans un camp à Malines en Belgique. Il y avait plusieurs gitans ramassés, même ceux de la Belgique. On est restés longtemps là-bas, on était malheureux, malheureux. On mourait de faim, on mourait de soif. On ne savait pas quoi faire […]. Ils nous mettaient sur un bout de table et nous battaient avec des bouts de bois et avec des fouets." Témoignage de Paprika Galut (survivante du convoi Z) recueilli par Marie Christine Hubert. Paprika a été interpellée le 23 décembre 1943 à Hénin Liétard (Hénin- Beaumont) à l'âge de 18 ans.
Le 15 janvier 1944 le convoi Z quitte Malines avec 351 Tsiganes de diverses nationalités capturés en France en Belgique et en Hollande. " On était à peu près cinquante par wagon. Ca a duré plusieurs jours. Trois ou quatre ? il y avait de nombreux arrêts. Parfois on descendait. On était parqués dans des salles pour quelques heures, déshabillés. Peut-être pour qu'on ne puisse pas s'enfuir comme ça."
Témoignage d'Antoine Lagrene recueilli par Monique Hennebaut en 2005 (revue Tsafon, n° 4 octobre 2008)
Le destin d'un dénommé Toloche est emblématique des évènements dramatiques de cette époque. Son parcours reconstitué par Jacques Sigot a inspiré le scénario du film de Tony Gatlif "Liberté" (sortie nationale en novembre 2009). Toloche et les Tsiganes du convoi de Malines (Belgique)
De ce convoi Z seule une dizaine de rescapés rentrera à la fin de la guerre.
Une autre situation attestée par des témoignages de survivants concerne la déportation d'une centaine de Tsiganes du camp de Poitiers vers des camps de travail allemands d'où certains d'entre eux ne revinrent jamais, comme ce fut le cas d'Antoine Bauer et de membres de la famille de Jean Henrique dans les témoignages ci-joints, collectés par Jacques Sigot. Les déportés du camp de Poitiers
Puisse cette année mémorielle encourager les travaux de recherche et de mémoire pour combler les lacunes qui subsiste encore sur cette période de l'histoire.


 

Le génocide tsigane en Europe

Marie-Christine HUBERT


Les Tsiganes ont de tout temps été persécutés par les Etats et ce tant en Europe Orientale  qu'en Europe Occidentale. Ils ont été réduits en esclavage en Roumanie, mis aux galères en France et déportés dans les colonies en Angleterre. Ils étaient persécutés parce qu'ils étaient différents, différents par leur apparence, différents par leur mode de vie et différents par leur culture. Ces persécutions atteignirent leur paroxysme pendant la Seconde Guerre mondiale. Les Nazis entreprirent de les exterminer jugeant qu'ils étaient indignes de vivre dans la nouvelle société qu'ils s'apprêtaient à construire au motif  qu'ils étaient des asociaux irréductibles de par leur appartenance à une race "hybride" et inférieure.
Ces persécutions ont pris des formes différentes selon les pays : internement, stérilisation, massacres, déportation et extermination dans les chambres à gaz. Le camp d'Auschwitz est connu de tous pour symboliser le génocide des Juifs, ce fut aussi le camp dans lequel furent exterminés la plupart des Tsiganes.

 

Allemagne


Depuis la fin du XIXème siècle, les Tsiganes allemands, majoritairement sédentaires, étaient devenus l'objet de toutes les attentions de ceux qui dénonçaient le "fléau tsigane" (anthropologues, linguistes, folkloristes) et notamment des services de polices qui entreprirent de les recenser et de les mettre sous étroite surveillance. Ces mesures n'avaient qu'un seul objectif : marginaliser toujours plus les Tsiganes.

L'arrivée des Nazis au pouvoir ne marqua pas une rupture avec la politique précédemment poursuivie. Ils achevèrent de fédérer les différentes législations anti-tsiganes des Länder, assimilèrent les Tsiganes aux asociaux, ce qui leur permit de toucher les sédentaires et mirent au point une définition raciale des Tsiganes devant permettre l'éradication définitive du "fléau tsigane".

Depuis le XIXème siècle, la "race tsigane" était présentée comme une race étrangère et inférieure. Les Nazis définissant la citoyenneté allemande d'après des critères raciaux entreprirent de définir racialement les Juifs et les Tsiganes afin de les exclure de cette citoyenneté. Le Centre de recherches en hygiène raciale et biologie des populations créé en 1936 au sein des Services de Santé du Reich mais dépendant du ministère de l'Intérieur et dirigé par le docteur Robert Ritter reçu la mission de recenser tous les Tsiganes du Reich en utilisant l'anthropométrie et la généalogie. En 1944, 30 000 expertises avaient été établies ; la quasi-totalité des Tsiganes du Reich avaient été recensés et fichés. Les données accumulées lors de ces expertises permirent au docteur Ritter d'établir une classification précise des Tsiganes en août 1941.
"Z (Zigeuner) : Tsigane (c'est-à-dire de véritable et pur sang tsigane).
"ZM + ZM (+) (Zigeunermischling) : Plus qu'à moitié tsigane (c'est-à-dire métissé, mais au sang tsigane prédominant).
"ZM (Zigeunermischling) : Semi-tsigane (à part égale de sang tsigane et de sang allemand). Cette catégorie se subdivise elle-même en deux sous-groupes :
       1) "ZM de premier degré", dans le cas où l'un des parents est  pur tsigane et l'autre allemand.
       2) "ZM de second degré", dans le cas où l'un des parents est  "ZM du premier degré" et l'autre allemand.
"ZM_ ou ZM (_) (Zigeunermischling) : Plus qu'à moitié allemand (c'est-à-dire métissé, mais à sang allemand prédominant).
"NZ (Nicht-Zigeuner) : Non-Tsigane (personne à considérer comme étant de sang allemand)." [1]
Le Centre de recherches en hygiène raciale considérant qu'une majorité des Tsiganes était en fait des métis (Mischling) concluait qu'ils étaient des asociaux par leur mode de vie et une race hybride par leur métissage biologique, ce qui impliquait qu'aucune "rééducation" n'était possible. L'équipe du docteur Ritter proposait d'ailleurs de tous les stériliser pour solutionner la question tsigane. Peu à peu, les Tsiganes subirent le sort réservé aux Juifs : les mariages mixtes furent interdits, les enfants exclus de l'école, les adultes de l'armée, les travailleurs soumis à un impôt spécial, etc.
                  
Les Nazis n'ont pas attendu de disposer d'une législation raciale pour persécuter les Tsiganes. Ils parachevèrent la politique de sédentarisation en internant les Tsiganes dans des camps communaux.
"Ces camps furent créés à l'initiative des autorités municipales ou de polices locales, sans qu'il ait existé au préalable de cadre juridique formel. Le caractère de ces camps et les conditions de vie des Tsiganes, qu'on internait par famille, furent par conséquent très variables. Tous ces camps ont en commun d'avoir servi, au départ, à l'internement des Tsiganes qui habitaient dans des roulottes placées sur des aires de stationnement ou dans des baraquements, et qui, de ce fait, correspondaient le mieux aux préjugés racistes. Ceux qui vivaient comme tout le monde, sans se faire remarquer par leur mode de vie, ont cependant été internés à leur tour dès lors qu'ils furent recensés en tant que Tsiganes sur la base de critères raciaux. Mais l'objectif généralement poursuivi était la concentration de tous les Tsiganes d'une ville ou d'une région dans un camp." [2]
Le premier camp tsigane fut organisé à Cologne en avril 1935. Le 6 juin 1936, un "Décret pour la lutte contre le fléau tsigane" déclara illégales les expulsions reléguant les Tsiganes à la périphérie des villes et exigea des autorités "la sédentarisation des Tsiganes en un lieu déterminé" afin d'en faciliter la surveillance par la police. Un grand nombre de villes se servirent de ce décret pour justifier la création de camps tsiganes. En juillet 1936, les 600 Tsiganes de Berlin dont la présence était indésirable pendant les Jeux Olympiques furent internés dans un camp situé à la périphérie de la ville. Le "Décret pour la lutte préventive contre l'infestation tsigane" du 8 décembre 1938 ordonnant leur sédentarisation pour faciliter leur recensement fut interprété comme "signifiant qu'à l'avenir tous les Tsiganes devaient être logés dans un camp". Ces camps étaient de véritables camps d'internement : ils étaient entourés de barbelés, gardés par un gardien armé, les Tsiganes ne pouvaient en sortir sans autorisation et étaient soumis au travail forcé. Ils étaient d'autant plus obligés de se soumettre à cette obligation que le travail était la condition sine qua non pour obtenir une allocation des services sociaux, allocation qui leur permettait de se nourrir, l'administration ne le faisant pas. Ces mesures touchaient principalement les nomades et les semi-sédentaires.
                  
Assimiler à des asociaux, les Tsiganes furent internés dans des camps de concentration. Dans la semaine du 18 au 25 septembre 1933, la police aidée des SA et des SS procéda à une rafle de mendiants et de vagabonds dans tout le Reich. Dix mille personnes dont un nombre inconnu de Tsiganes furent arrêtés et internés quelques semaines dans des camps de concentration. Le 14 décembre 1937, Heinrich Himmler publia le "Décret de lutte préventive contre le crime" appelé aussi "Décret sur les asociaux" stipulant que "la Police Judiciaire du Reich avait la possibilité de déporter dans les camps de concentration tous ceux qui étaient qualifiés d'"asociaux" ou de "rétifs au travail"". En avril 1938, 2 000 hommes dont un certain nombre de Tsiganes furent ainsi internés dans le camp de Buchenwald. Prétextant que ce décret "n'avait pas été appliqué avec toute la rigueur nécessaire", Himmler ordonna de procéder à une nouvelle vague d'arrestation. Cette opération désignée sous le code "Aktion Arbeitscheu Reich" eut lieu dans la semaine du 13 au 18 juin 1938. Chaque poste de police avait reçu l'ordre d'envoyer dans les camps de concentration au moins 200 hommes capables de travailler dont :
"les Tsiganes ou les personnes nomades comme le sont les Tsiganes, si elles n'ont pas montré une volonté de travail régulier ou si elles se sont rendues coupables d'infractions." [3]        
Dix mille personnes furent à cette occasion arrêtées et internées dans les camps de Dachau, Buchenwald et Sachsenhausen où on leur attribua le triangle noir des asociaux. Parmi ces    10 000 personnes se trouvaient tous les hommes internés dans le camp tsigane de Francfort, une vingtaine de Tsiganes "non salariés" du camp tsigane de Cologne et les adolescents du camp tsigane de Düsseldorf. Le nombre exact de Tsiganes qui furent arrêtés en juin 1938 n'est pas connu. A l'automne 1942, Himmler ordonna l'internement "des éléments asociaux des établissements pénitentiaires (des Tsiganes mais aussi des Juifs et des Russes) en vue de l'élimination par le travail".
Des Tsiganes furent également internés individuellement au titre d'asocial notamment lorsqu'ils enfreignaient les multiples décrets régissant leur vie. Les hommes n'étaient pas les seuls à être menacés, les femmes pouvaient également être internées en tant qu'asociale dans les camps et notamment à Ravensbrück. La plupart d'entre d'elles ont été arrêtées pour mendicité alors qu'elles exerçaient une activité commerciale interdite ou pour avoir prédit l'avenir. Toute infraction constatée ou supposée suffisait pour être interné dans un camp de concentration.
De nombreux Tsiganes originaires du Burgenland en Autriche furent déportés dans les camps de concentration allemands. Dès l'été 1938, 15 000 Tsiganes étaient déportés à Dachau ; 600 d'entre eux ont été transférés à Buchenwald à l'automne 1939. Un tiers de ces tsiganes ne passa pas l'hiver mourant dans les carrières ou étant assassinés par injections mortelles. Le 29 juin 1939, 440 Tsiganes du Burgenland étaient internées à Ravensbrück comme asociales.

Le 21 septembre 1939, lors d'une conférence organisée par Reinhard Heydrich, il fut décidé de déporter tous les Juifs et les Tsiganes vers le Gouvernement général en Pologne. Le "Décret de fixation" du 17 octobre 1939 assigna à résidence les Tsiganes  qui furent, par la même occasion, recensés et enregistrés par les services de police compétents.
Le 27 avril 1940, Himmler donna l'ordre de déporter par familles 2 500 Tsiganes dans le Gouvernement général. A l'origine la totalité des 30 000 Tsiganes vivant en Allemagne devait être déportée, mais "comme des difficultés pratiques étaient apparues lors du "déplacement" de 160 000 Juifs et Polonais, seul un "premier transport" de 2 500 Tsiganes originaires des zones frontalières de l'ouest et du nord-ouest de l'Allemagne fut ordonné[4]". Ces déportations furent organisées du 21 au 16 mai 1940.
Selon Donald Kenrick, 300 Tsiganes originaires du sud de l'Allemagne furent également déportés en Pologne.[5] Tous ces Tsiganes avaient signé un document attestant qu'ils avaient bien compris que s'ils revenaient en Allemagne, ils seraient stérilisés et envoyés dans des camps de concentration. Ces déportations ont eu lieu au vu et au su de tous sans que cela provoque une quelconque réaction.
La déportation systématique des Tsiganes prit toute sa dimension avec le décret appelé "Auschwitz Erlass" signé par Heinrich Himmler le 16 décembre 1942. Ce décret ordonnait la déportation à Auschwitz de tous les Tsiganes du Grand Reich. Peu de temps après,  le décret fut élargi aux Tsiganes habitant l'Autriche, le Nord de la France, la Pologne, le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas.
"L'ordre donné par le Reichsführer SS Himmler, le 16 décembre 1942, l'Auschwitz Erlass, constitue la dernière étape vers "la solution définitive de la question Tsigane". Enfin avec le décret d'application du 29 janvier 1943, tous les Tsiganes devaient être déportés par familles, "sans prendre en compte le degré de métissage", dans la section tsigane (Zigeunerlager) du camp d'Auschwitz. Dans le Reich et en Autriche, le RSHA et le Centre de recherches en hygiène raciale avaient recensé en vue de la déportation plus de 20 000 Tsiganes. Par courrier spécial, les "postes de Police Criminelle" reçurent en janvier 1943 pour la seconde fois l'ordre de saisir "la fortune laissée derrière elles par des personnes tsiganes internées dans un camp de concentration sur ordre du Reichsführer SS". Rares furent les Tsiganes recensés qui survécurent." [6]

Le "camp de familles" a été construit à Auschwitz-Birkenau II en février 1943. Le premier transport arriva le 26 février. On attribua à ces premiers Tsiganes des matricules commençant par la lettre Z. Du 26 février au 6 mars, 828 Tsiganes arrivèrent au camp en quatre convois. Le 23 mars, 1 700 Tsiganes de Bialystock furent immédiatement gazés sans être enregistrés. Du 6 au 31 mars, 23 convois comprenant 11 339 Tsiganes arrivèrent et furent immatriculés à Auschwitz. Environ 19 000 Tsiganes furent déportés à Auschwitz en 1943 et 2 200 avant l'été 1944.
"La majorité d'entre eux - 63 % étaient allemands, 21 % venaient de Bohême-Moravie, 6 % de Pologne, et les 11 % restants avaient d'autres nationalités ou étaient considérés comme apatrides. Si l'on inclut ceux qui furent internés sans enregistrement pour être assassinés peu de temps après dans les chambres à gaz, le chiffre total des Tsiganes déportés dans la "section tsigane" atteint 23 000 personnes." [7]
Les Tsiganes furent les seuls à ne pas connaître la sélection sur la rampe d'Auschwitz, ils furent aussi les seuls à vivre en famille. La plupart de ces Tsiganes sont morts de faim, de maladies (typhus et Noma pour les enfants) et des suites des expériences médicales pratiquées par le docteur Mengele. En avril et mai 1944, quelques centaines de Tsiganes aptes au travail furent transférés à Buchenwald et Ravensbrück. Dans la nuit du 2 au 3 août 1944, les 2 897 personnes restées au "camp de familles" furent gazées.


                  

Pologne

Les persécutions ne commencèrent véritablement qu'après l'invasion de l'URSS en juin 1941. Des Tsiganes furent internés dans des ghettos (Cracovie, Lodz, Lublin et Varsovie) et dans des camps de travail. Les persécutions redoublèrent d'intensité en 1942. Le 1er juin, tous les Tsiganes résidant dans les régions de Varsovie et d'Ostro-Masowiecki furent contraints de rejoindre un ghetto. Des massacres de Tsiganes furent perpétrés par des fascistes polonais et ukrainiens dans de nombreuses régions de Pologne.
"115 Tsiganes furent tués à Lohaczy en 1942, 96 à Szczurowa et 15 à Berna, en 1943. 104 furent tués à Zahroczyma, 30 à Grochow et une cinquantaine à Karczew. Tous les Tsiganes de Olyce furent fusillés, et il y eut d'autres assassinats à Pyrach, Zyradow, Targowka, Radom, Sluzeca et Komorow. On lâchait les chiens contre les Tsiganes à Poznan."
"Il y eut de exécutions massives à Wolyn (Wolhynie) et dans les Carpates. Dans la province de Wolyn, 3 000 à 4 000 tsiganes furent tués par les Allemands, et par les fascistes ukrainiens. Seuls les adultes étaient fusillés. Pour tuer les enfants, on les soulevait souvent par les pieds, et on leur fracassait le crâne à la volée contre les arbres. On avait également recours à des chambres à gaz mobiles." [8]
En 1943 et 1944, environ 600 Tsiganes polonais et 2 600 originaires de Bialystok furent envoyés à Auschwitz. Environ  13 000 Tsiganes polonais (un quart de la population tsigane) ont trouvé la mort sous l'Occupation.[9]
                  

Croatie

Les Tsiganes de Croatie[10] ont été recensés à partir de juillet 1941. En avril 1941, le ministre de l'Intérieur Artukovic ordonna l'internement dans des camps de concentration de tous les Tsiganes originaires de Croatie et de Bosnie-Herzégovine. Plusieurs milliers de Tsiganes furent arrêtés et assassinés en mai et juin 1942 notamment dans le camp de concentration de Jasenovac. Des Communistes, des Juifs, des Serbes, des Tsiganes et des Croates opposés au régime fasciste y furent massacrés. Ce camp était composé de 6 camps principaux ; le camp III C était un camp d'extermination. Quelques Tsiganes y travaillaient mais la plupart étaient exterminés quelques temps après leur arrivée. Les Tsiganes dormaient dans des tentes ou à la belle étoile et ce quel que soit le temps. Affamés - ils recevaient moins de nourriture que les autres internés - en guenilles, les Tsiganes mourraient après avoir été roués de coups, de faim ou d'épuisement. Ils n'avaient pas accès au camp hôpital. Du printemps à l'automne 1942 environ 25 000 Tsiganes y ont été assassinés. Chaque jour, 6 à 12 wagons déversaient leur lot de Tsiganes. Dès leur arrivée, les hommes étaient emmenés dans des maisons dont les habitants serbes avaient été tués. Tout le périmètre était entouré d'un grillage. Les hommes étaient alors tués à coups de maillet et les cadavres enterrés dans les jardins. Puis venait le tour des femmes et des enfants. Entre 50 et 100 prisonniers étaient choisis parmi les nouveaux arrivés du camp III C pour creuser les fosses destinées aux suppliciés. Environ 30 000 Tsiganes furent assassinés dans ce camp.

Serbie

150 000 tsiganes vivaient en Serbie lorsqu'elle fut occupée par les Allemands en avril 1941. Un mois plus tard, l'occupant publia des décrets soumettant les Tsiganes au même traitement que les Juifs. Ceux-ci devaient se faire immatriculer et porter un brassard jaune sur lequel était inscrit le mot "Zigeuner". Les transports en commun étaient interdits aux Juifs et aux Tsiganes.  Les hommes étaient contraints au travail forcé. La plupart des Tsiganes qui furent arrêtés en 1941 servirent d'otages. Pour chaque soldat allemand tué par les partisans, 100 otages devaient mourir. Le 29 octobre 1941, 250 Tsiganes furent arrêtés dans ce but dans les environs de Belgrade. Les Tsiganes, dont les femmes et les enfants des otages, furent ensuite internés dans des camps de concentration situés à Belgrade et sur le territoire croate. Dans le camp de Sajmiste (à la frontière croate), des Tsiganes furent gazés en 1942 dans des camions équipés en chambre à gaz.

Union-Soviétique et Etats baltes

En Union-Soviétique et dans les Etats baltes, les Tsiganes furent principalement victimes des Einsatzgruppen. Ces unités spéciales allemandes devaient assurer "la sécurité politique des territoires conquis", c'est-à-dire éliminer toute opposition au national-socialisme et à sa politique de l'espace vital : les commissaires politiques soviétiques, les fonctionnaires et membres du parti communiste, les partisans et les Juifs. Le 22 juin 1941, Reinhard Heydrich créa quatre groupes, commandés par des généraux du SD (Service de la sécurité) et de la police : Einsatzgruppe A pour le Nord et les Pays baltes, Einsatzgruppe B pour la région de Moscou, Einsatzgruppe C pour l'Ukraine et Einsatzgruppe D pour le Sud, la Crimée et le Caucase. Environ 3 000 hommes ont exterminé systématiquement tous les éléments jugés indésirables selon les normes politiques et raciales des Nazis dans le sillage des divisions de la Wehrmacht et de la Waffen SS, qui leur accordaient en cas de besoin des renforts en hommes. Ces unités spéciales sont responsables du massacre d'un à deux millions de personnes. Les Tsiganes furent exécutés comme les opposants désignés du IIIème Reich parce qu'ils étaient soupçonnés d'être des partisans mais aussi parce qu'ils étaient considérés comme "des éléments dangereux pour la sécurité par leur existence biologique[11]". En octobre 1941, l'Einsatzgruppe C exécuta 32 Tsiganes après avoir trouvé des armes dans leurs verdines. Michael Zimmermann, historien allemand, a retrouvé la trace de plusieurs milliers d'exécutions de Tsiganes commises par les Einsatzgruppen. Au printemps 1942, 71 Tsiganes furent exécutés dans la région de Leningrad par l'Einsatzgruppe A. En septembre 1941, l'Einsatzgruppe B réserva un "traitement spécial" à 13 hommes et 10 femmes tsiganes accusés de terroriser la population locale et d'avoir commis de nombreux vols.  De nombreux Tsiganes furent tués ou enterrés vivants dans la région de Smolensk par les hommes de l'Einsatzgruppe D. Des Tsiganes figuraient parmi les victimes identifiées comme étant des "asociaux, des saboteurs, des pilleurs, des partisans, des personnes mentalement et racialement indésirables". Les unités A, B et C ne recherchaient pas systématiquement les Tsiganes comme ils le faisaient pour les Juifs. Les Tsiganes étaient, la plupart du temps, livrés par l'armée, dénoncés par la population russe, saisis lors d'une vérification dans les prisons, tués durant des contrôles de la population civile dans les zones situées près du front ou encore ramassés par une unité. Il en allait tout autrement pour l'Einsatzgruppe D. Cette unité massacra en Crimée entre 2 000 et 2 400 Tsiganes dont les 800 habitants du quartier tsigane de la ville de Simferopol en décembre 1941. Les Tsiganes étant des Musulmans parlant le Tatar, les Allemands demandèrent à deux habitants de les aider à les identifier. Le 1er décembre 1941, tous les Tsiganes furent expulsés de leurs maisons et conduits sur une place située sur la route reliant Simferopol à Karasubarar. Tous leurs objets de valeurs furent confisqués pour être expédiés à Berlin. Les Tsiganes furent conduits après s'être déshabillés - leurs vêtements furent distribués à la population locale - au bord d'une tranchée de deux mètres de profondeur préparée avec des explosifs par un ingénieur de l'armée pour les Einsatzgruppen. On ordonna aux Tsiganes de faire face à la tranchée puis un peloton les exécuta d'une balle dans la tête. Les hommes du Einsatzgruppe D exécutèrent du 15 janvier au 15 février 1942 91 personnes identifiées comme étant "des pilleurs, des saboteurs et des asociaux", dans la seconde moitié du mois de février 421 "Tsiganes, asociaux et saboteurs" et en mars 1942 810 "asociaux, Tsiganes, malades mentaux et saboteurs" et 261 "asociaux dont des Tsiganes". L'Einsatzgruppe D est responsable de l'assassinat d'environ 31 000 personnes dont une majorité de Juifs entre le mois de novembre 1941 et le mois de mars 1942. La Wehrmacht eut un rôle non négligeable dans ces exécutions ; elle remettait les victimes aux Einsatzgruppen et fournissait la logistique. Dans certain cas, elle participait elle-même aux massacres. En mai 1942 la 281ème division tua 128 Tsiganes à Noborshev.

Environ 5 000 Tsiganes furent tués dans les Etats baltes. La plupart des Tsiganes d'Estonie furent exécutés entre 1941 et 1943. L'extermination systématique des Tsiganes, dans les Etats baltes, commença en décembre 1941 avec l'assassinat de 100 Tsiganes de Libau en Lettonie. Dans l'est du pays, les Tsiganes furent regroupés dans trois villes : Ludsa, Rezenke et Vilani. A Ludsa, ils furent enfermés dans une synagogue qui fut incendiée. Les survivants furent "déportés dans les forêts" où ils furent exécutés le 6 janvier 1942. En 1943, les massacres furent stoppés et les Tsiganes furent incorporés dans l'armée allemande pour combattre les forces soviétiques.

Selon Michael Zimmermann, entre 2 000 et 2 400 Tsiganes ont été exécutés en Crimée par l'Einsatzgruppe D, la moitié des 3 800 Tsiganes de Lettonie furent également massacrés tout comme la presque totalité de la population tsigane en Estonie et Lituanie. Donald Kenrick estime que 30 000 Tsiganes ont été tués en Biélorussie, Russie et Ukraine.

Roumanie

En Roumanie le régime d'Antonescu pratiqua la déportation des Tsiganes mais seulement dans certaines régions. En 1941 et 1942, environ 25 000 Tsiganes de la région de Bucarest furent déportés vers les territoires ukrainiens occupés par la Roumanie et appelés Transdniestrie.
"Le voyage se faisait dans des fourgons à bestiaux depuis Bucarest. Il dura plusieurs semaines et, avec les nuits froides, le manque de couvertures et la nourriture insuffisante, il y avait déjà beaucoup de morts de faim et de froid à l'arrivée au Bug, en Ukraine. Les survivants furent logés dans des huttes et mis au travail à creuser des tranchées." [12]
 
En 1942, dans le cadre du plan "pour la purification de la nation roumaine", tous les habitants du village tsigane de Buda-Ursari furent déportés en Ukraine. En 1944, un camp d'internement fut édifié à Tiraspol. Dans le reste de la Roumanie, les Tsiganes étaient plus ou moins libres. Donald Kenrick estime que sur les 46 000 Tsiganes déportés, 9 000 ont péri.


France

                  
Les Tsiganes de France n'ont pas été déportés essentiellement parce que les Allemands ont ordonné aux autorités françaises de procéder à leur internement. Ces autorités ont arrêté uniquement les nomades porteurs du carnet anthropométrique, les seuls Tsiganes qui étaient clairement identifiés en France. Et encore, il semble bien que ne furent internés que les nomades qui avaient été précédemment assignés à résidence. L'invasion allemande n'avait pas permis l'application du décret du 6 avril 1940 dans tous les départements. Toutes les personnes qui furent internées dans les camps d'internement pour nomades n'étaient pas des Tsiganes ; il y avait parmi eux des clochards et des gens que la quête du travail avait jeté sur les routes. Les Allemands ne pouvaient pas ordonner la déportation des Tsiganes de France au vu de ces informations : des non-Tsiganes auraient été déportés et surtout nombreux auraient été les Tsiganes qui auraient immanquablement échappé à la déportation. N'ayant pas les moyens de procéder eux-mêmes au recensement de tous les Tsiganes, il semble que les Allemands aient décidé de remettre à plus tard leur projet. La victoire des Alliés ne leur laissa pas le temps d'exterminer l'ensemble du peuple tsigane.


Bibliographie

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FINGS Karola, HEUSS Herbert, SPARING Frank : "De la "science raciale" aux camps", Les Tsiganes dans la Seconde Guerre mondiale, Toulouse, collection Interface, Centre de Recherches Tsiganes, CRDP Midi-Pyrénées, 1997, 140 p.

GOTOVITCH José : "Quelques données relatives à l'extermination des Tsiganes de Belgique", Cahier d'histoire de la Seconde Guerre mondiale, 1976, n° 4, p. 161-180.

HOHMANN Joachim S. : "Le génocide des Tziganes", in François Bédarida (sous la direction de) : La politique nazie d'extermination, Paris, Albin Michel, 1989, p. 263-276.

KENRICK Donald, PUXON Grattan : Les Tsiganes sous l'oppression nazie, Toulouse, collection Interface, Centre de Recherches Tsiganes, CRDP Midi-Pyrénées, 1996. (réédition de Destins Gitans, publié en 1974 chez Calmann-Lévy.

LEWY Gunter : « La persécution des Tsiganes par les Nazis » . Paris : Les Belles Lettres, 2003. 474 p.






[1]. Joachim S. HOHMANN : "Le génocide des Tsiganes", La politique nazie d'extermination, Paris IHTP, Albin Michel, 1989, p. 269.
[2]. Frank SPARING : "Les camps tsiganes. Genèse, caractère et importance d'un instrument de persécution des Tsiganes sous le nazisme", De la "science raciale" aux camps. Les Tsiganes dans la Seconde Guerre mondiale, tome 1, coll. Interface, Centre de Recherches Tsiganes, CRDP Midi-Pyrénées, 1997, p. 39.
[3]. Frank SPARING : Op. cit., p. 58.
[4]. Herbert HEUSS : "La politique de persécution des Tsiganes en Allemagne", De la "science raciale" aux camps. Les Tsiganes dans la Seconde Guerre mondiale, tome 1, coll. Interface, Centre de Recherches Tsiganes, CRDP Midi-Pyrénées, 1997, p. 35.
[5]. Donald KENRICK et Grattan PUXON : Gypsies under the Swastika, Gypsy Research Centre, University of Hertfordshire Press, 1995, p. 32.
[6]. Herbert HEUSS : Op. cit., p. 37.
[7]. Karola FINGS : "Les Tsiganes dans les camps de concentration nazis", De la "science raciale" aux camps. Les Tsiganes dans la Seconde Guerre mondiale, tome 1, coll. Interface, Centre de Recherches Tsiganes, CRDP Midi-Pyrénées, 1997, p. 99.
[8]. Donald KENRICK, Grattan PUXON : Destins Gitans, Paris, Calmann-Lévy, 1974, p. 181.
[9]. Donald KENRICK, Grattan PUXON : Gypsies under the Swastika,, p. 75.
[10]. Dragoljub ACKOVIC : Roma suffering in Jasenovac camp, Belgrade, publié par The Museum of the Victims of Genocide et Roma Culture Center, 1995, 117 p.
[11]. Michael Zimmermann : "L'Union Soviétique et les Etats Baltes 1941-1944. Le massacre des Tsiganes", Les Tsiganes dans la Seconde Guerre mondiale, Tome 2, à paraître dans la collection Interface éditée par le Centre de Recherches Tsiganes.
[12]. Donald KENRICK, Grattan PUXON : Gypsies under the Swastika, p. 110.

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